Daniela Schnegg-Albisetti: «Faire parler et faire agir»

Daniela Schnegg-Albisetti / ©Pierre Bohrer
i
Daniela Schnegg-Albisetti
©Pierre Bohrer

Daniela Schnegg-Albisetti: «Faire parler et faire agir»

Violence
Elle prône l’urgence d’agir pour protéger les enfants des violences domestiques et sexuelles et dénonce notre capacité à rester impassibles face à de telles souffrances.

Les paroles de Daniela Schnegg-Albisetti jaillissent à toute allure. Après des semaines d’intense mobilisation, elle «atterrit» enfin, mais ne réfrène pas son élan: «Dans notre pays, un sentiment de fatalisme et de résignation semble prévaloir. Nous pourrions accomplir bien davantage, et rapidement. Il s’agit de vies humaines!» Elle dit son indignation: «Ce qui se trame derrière les façades est intolérable! Les drames se suivent, mais l’application de la Convention relative aux droits de l’enfant ne figure toujours pas parmi les priorités politiques.» Elle aborde des réalités difficiles à évoquer, même aujourd’hui: la violence envers les enfants et l’inceste.

Eduquée pour trouver des solutions

«Faire parler et faire agir» est le credo de cette Biennoise, enseignante spécialisée, depuis qu’elle a découvert «l’ampleur des violences et injustices qui se produisent en Suisse, même au sein des institutions censées protéger les jeunes». Sa persévérance s’enracine dans l’éducation reçue de ses parents, qui lui ont appris à «trouver des solutions face aux problèmes». Ainsi, elle s’engage résolument, notamment en interpellant les autorités politiques et judiciaires par écrit. Quand la docteure Myriam Caranzano-Maitre, figure de proue dans la prévention de la maltraitance infantile, mentionne l’existence d’un festival de cinéma des droits humains à Lugano, Daniela Schnegg-Albisetti rêve d’un projet similaire. Elle y réfléchit et propose à Edna Epelbaum, directrice des salles Cinevital et Cinepel, d’organiser une «Journée internationale des droits de l’enfant au cinéma». Le 20 novembre dernier, des projections de films ont eu lieu dans cinq cantons et huit villes. Parmi les œuvres projetées, le court-métrage sur la violence domestique et sexuelle Nani, produit pour l’occasion. Certains films sont accompagnés de tables rondes animées par des expertes telles que Sabine Rakotomalala, de l’Unité de prévention de la violence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), et Claudia Christen, criminologue et présidente du Swiss RJ Forum (justice restaurative). Le but était de «susciter une réflexion auprès du public, des politiciens, des professionnels de la justice, des responsables des écoles, des hautes écoles et des forces de police». 

La famille, socle de la société, est souvent le théâtre de drames.

L’engagement de Daniela Schnegg-Albisetti est porté par un constat: la famille, socle de la société, est malheureusement souvent le théâtre de nombreux drames. En effet, des professionnels estiment qu’un adulte sur quatre a été victime de sévices de la part d’un proche durant son enfance. Une prise de conscience semble se dessiner, se réjouit l’enseignante, par exemple, à travers les ouvrages du Fribourgeois Daniel Pittet, survivant de violences sexuelles infligées par un prêtre dans son enfance. Son livre Mon Père, je vous pardonne (2017), préfacé par le pape François, a permis à d’autres victimes de sortir du silence. Son second ouvrage, Insoutenables secrets. Abus sexuels dans les familles (2024), a également recueilli des témoignages poignants. De même, l’ancienne Miss Suisse Sarah Briguet relate son calvaire dans Miss à mort (2019), dénonçant les agressions sexuelles subies de la part de son père. Daniela Schnegg-Albisetti souligne «la gravité de ces actes, en particulier quand ils émanent du père, et l’urgence à agir pour que les violences de toutes formes cessent de génération en génération».

Banalisation

Mais il reste du chemin à parcourir. Début novembre, à Bogota, en Colombie, s’est tenue la première Conférence ministérielle mondiale sur l’élimination de la violence à l’égard des enfants. Lors de cet événement, de nombreux gouvernements ont pris des engagements cruciaux pour lutter contre ce fléau. L’enseignante relève que «la Suisse n’a pris aucun engagement». Et d’ajouter: «Notre pays peine à faire appliquer les conventions internationales qu’il a pourtant ratifiées.» Elle rappelle également l’importance de l’article 11, alinéa 1, de la Constitution fédérale suisse, qui stipule que les enfants et les jeunes ont droit à une protection particulière de leur intégrité et à un encouragement dans leur développement. «Pourtant, des obstacles persistent dans l’application de ces principes». Elle souligne «la banalisation de la violence et la lenteur des évolutions législatives» et dénonce également «les préjugés selon lesquels la violence domestique ne concernerait que les étrangers», un stéréotype qui nuit «à la prise de conscience et à l’action nécessaires pour protéger toutes les victimes».

Bio express

1973 Naissance à Bienne.
1999 Licence ès lettres, Université de Neuchâtel.
2004 Master en enseignement spécialisé.
2012 Rédaction de poèmes, dont «Regarde avec ton cœur» et «Petite fille», mis en chanson par Sandra Roulet.
2024 Organisation de la «Journée internationale des droits de l’enfant au cinéma»

Enfance violentée 

Chaque année, plus d’un milliard d’enfants dans le monde, soit un sur deux selon l’OMS, sont victimes de violences telles que des châtiments corporels, brimades, cyberharcèlement et abus sexuels. En Suisse, les statistiques nationales révèlent que 4,4% des parents recourent régulièrement à la violence, avec 23,2% maltraitant psychologiquement leurs enfants. Les formes de maltraitance les plus courantes incluent les insultes (37%), les menaces de coups (27%), le retrait d’affection (22%), la menace d’abandon (19%) et l’isolement prolongé (15%).