L’enseignement religieux à l’école
*
Dans nos sociétés démocratiques et laïques, l’école est le lieu privilégié pour transmettre aux plus jeunes de ses membres les connaissances susceptibles de les intégrer à une histoire qui les précède. A cet effet, la société leur confie les valeurs et les savoirs qui la fondent.
Les élèves découvrent ainsi le questionnement fondamental qui habite les humains confrontés aux énigmes du monde et de la vie. Ils prennent connaissance des réponses provisoires apportées autrefois et aujourd’hui à ce questionnement. Ils sont initiés à un patrimoine culturel.
Véritable chantier d’humanité, la culture se nourrit d’explorations diverses. Qu’il soit artistique ou scientifique, technique ou éthique, philosophique ou religieux, aucun résultat lié à ces explorations ne saurait revendiquer un statut hégémonique dans une société démocratique et laïque.
Chargée de transmettre ces savoirs, l’école s’impose un statut de neutralité idéologique dans la présentation de ce patrimoine humain. Elle s’efforce d’enseigner les connaissances majeures que l’humanité a créées pour donner du sens et humaniser la vie. L’école offre ainsi aux plus jeunes membres de la société les moyens de relever les défis de la vie sociale et individuelle.
Une telle compréhension de la mission de l’école publique ne s’oppose en rien à l’enseignement religieux puisque la religion est un objet culturel universel. Refuser un enseignement de culture religieuse à l’école, revient à priver les élèves d’un pan important de la culture. Comment l’envisager ?
Au début du 20e siècle, la France supprime l’enseignement religieux à l’école. La majorité des pays européens le maintient, mais lui accorde un statut confessionnel plus ou moins prononcé. L’enseignement religieux dans l’école publique allemande en est un exemple représentatif. La loi fondamentale (Grundgesetz) allemande stipule que l’enseignement religieux est organisé par l’état en collaboration avec les diverses communautés religieuse et précise qu’il doit être conforme au dogme des communautés religieuses en charge de le dispenser.
Ce modèle communautariste accorde un statut particulier à cette discipline scolaire car l’enseignement religieux est la seule pour laquelle une dispense est possible. Dans son principe, ce modèle et ses différentes variantes se retrouve dans les pays ayant maintenu l’enseignement religieux à l’école.
Pourtant ce statut particulier accordé à l’enseignement religieux est particulièrement fâcheux. En se cachant derrière un statut d’exception culturelle, cette forme d’enseignement religieux postule que son étude exige des préalables non-requis pour l’étude des autres disciplines ; il se soustrait aux règles de l’école en refusant d’articuler les savoirs religieux dans la rationalité régissant l’élaboration des connaissances que l’école transmet ; il se soustrait à la dynamique de recherche et de débat critique. Il se prive de sa légitimité culturelle.
L’enseignement religieux issu du modèle communautariste n’a pas sa place dans l’école obligatoire, mais cela n’exclut en aucun cas d’y enseigner une culture religieuse ; celle-ci est même indispensable, si nous ne voulons pas priver les élèves d’un pan important du patrimoine culturel de l’humanité. A ce sujet, il est particulièrement intéressant de constater que la France s’interroge sérieusement sur la manière de réintroduire l’enseignement de la culture religieuse à l’école.
Une école démocratique et laïque se doit d’enseigner la religion. A cet effet, il serait opportun de remplacer le terme « enseignement religieux » par celui de « enseignement de culture religieuse ».
Un enseignement sans statut particulier, obligatoire, sans dispense et dont les savoirs seraient soumis aux mêmes règles de transmission et d’analyse critique que l’ensemble du programme scolaire. Un enseignement légitime au même titre que la biologie ou les mathématiques par exemple, parce que solidaire lui aussi du questionnement humain fondamental.
L’enseignement de la culture religieuse mérite sa place dans les programmes scolaires. Les savoirs religieux constituent une poésie de la vie et un répertoire perspicace des interrogations humaines. Ils présentent un intéressant potentiel critique à l’égard des ambitions humaines démesurées, avides de pouvoir et contaminées par la violence.
La culture religieuse représente une contribution non négligeable à la mission de l’école. Alliée aux autres disciplines obligatoires de l’école, la culture religieuse permet aux élèves d’accéder à des savoirs les aidant, comme toutes les autres disciplines scolaires, à trouver du sens et à humaniser la vie.
Maurice Baumann* (1947) est instituteur et théologien de formation. Avec Corinne son épouse, ils sont les parents de trois enfants adultes (Sébastien, Julien et Nathan). Il enseigne actuellement la catéchétique et les sciences de l’éducation à la faculté de théologie de l’université de Berne.
Publications en français :
Jésus à 15 ans, Genève 1993.
L’école et le protestantisme, Genève 1999
Citation : En deux heures, le fils a jeté le mur par terre et le vieux sectaire émerveillé, a découvert le paysage. Il avait vécu 70 ans avec un mur dans le front. Félix Leclerc
Liens :
- Faculté de théologie de Berne
- Haute Fréquence sur l'enseignement religieux à l'école