«Ecoute! Tu es libre!»
Est-il encore possible aujourd’hui de ne pas vouloir se faire vacciner contre un certain virus? D’être contre le don d’organe? De rouler autrement qu’à vélo sans culpabiliser? D’aimer la viande, de ne pas finir toujours son assiette? De penser que l’écospiritualité est un concept quand même un peu fumeux?
Est-il encore possible de dire ce que l’on pense, quand ce que l’on pense n’est pas politiquement, socialement, écologiquement correct? D’agir selon son cœur, en âme et conscience, alors que notre action ne va pas dans le sens de l’air du temps? De faire un pas de côté et penser à contre-courant de ce que pense l’écrasante majorité bienpensante?
La chrétienne que je suis ose bien l’espérer: le nom même de Jésus ne veut-il pas dire «Il délivre»? S’il est vrai qu’il s’agit là d’autre chose qu’une simple métaphore – et je le crois – la bonne nouvelle serait alors que nous sommes libres, vraiment. Totalement libres de croire, de penser, d’agir.
Car au fil des récits qui rendent témoignage de son passage dans l’histoire de l’humanité, on se rend compte que c’est la singularité de l’être humain que Jésus met au centre. Les limites de l’intelligence dite collective, il en a fait cruellement les frais. Il est l’empêcheur des banalisations, des généralisations, le gardien aimant de notre être au monde singulier.
Quand un homme demande à Jésus quel est le premier des commandements, l’Evangile de Marc nous raconte qu’il répond: «écoute…». Et si l’on ne glisse pas trop vite sur cet impératif, il est possible alors d’entendre qu’il est un lien étroit entre l’écoute et l’amour auquel nous sommes appelés.
Maurice Bellet1 l’actualise ainsi: «Ecouter, c’est être là, l’oreille ouverte, et laisser se dire ce qui se dit. Cette écoute nue est la relation nécessaire d’humanité, le ce-sans-quoi l’homme est pour l’homme le pur étranger, l’abîme d’absence.»
Ecoute, Israël. Le Seigneur, notre Dieu,
le Seigneur est Un. Et tu vas aimer le Seigneur,
ton Dieu, de tout ton cœur, de tout ton être,
de toute ton intelligence et de toute ta force.
Le second, c’est:
Comme toi-même, tu vas aimer ton prochain.
Seigneur j’écoute.
J’essaie déjà d’être présente à moi,
présente à l’autre, présente à Toi.
Comme Jacob devenu Israël,
je suis un être qui a dû mener combat,
et dont l’identité s’est forgée au contact d’une altérité,
et qui a reçu son nom d’un autre, un beau matin.
J’écoute, je tends très fort l’oreille à la voix
de ce prochain qui me parle de ses propres choix
Quand il ne pense pas comme moi,
ne fait pas comme moi, ne croit pas comme moi,
et en vrai, écouter, Seigneur, je ne sais pas parfois.
Aimer, non plus.
C’est à Ta voix alors que je reviens,
encore, et qui me dit :
«Tu vas apprendre. Ecoute, et je te le promets,
tu vas apprendre à aimer.»
L’auteure de cette page
Née en France, ancienne ergothérapeute arrivée à Genève en 1990, c’est à la Faculté autonome de théologie protestante qu’Elisabeth Schenker, 59 ans, doit d’avoir orienté sa vocation pastorale, grâce à l’étude des sciences bibliques. Elle est aujourd’hui pasteure-aumônière aux HUG.