Semences, un patrimoine à préserver
Institut Vavilov en Russie: la plus ancienne banque de graines au monde. Cela fait plusieurs années que le photographe vaudois Mario Del Curto documente ce lieu et ses stations dispersées aux quatre coins d’un immense territoire. Ce projet s’inscrit dans une démarche plus globale dans laquelle il explore la relation de l’homme au végétal. Son travail sera présenté en introduction de la soirée du Club 44, un moyen pour les personnes présentes de se rendre compte de l’immensité des variétés de graines qui risquent de disparaître si l’on ne les préserve pas. La soirée se poursuivra en compagnie de Claudio Brenni, auteur d’une thèse sur la souveraineté alimentaire et les semences [voir encadré], Martin Brüngger, biologiste et semencier et Ester Wolf, responsable du dossier «droit à l’alimentation» à Pain pour le prochain.
Sélection humaine
Les paysans sélectionnent les semences qu’ils cultivent depuis des milliers d’années afin d’optimiser leurs récoltes. Leur travail a permis de développer une diversité considérable de maïs, de riz ou de céréales qui s’adaptent aux sols et conditions météorologiques de chaque région du globe. Depuis une centaine d’années, à la suite du développement de l’industrie agricole, la diversité des semences s’est perdue à hauteur de 80 à 90%. Un constat alarmant pour Claudio Brenni qui juge qu’il est primordial de poursuivre les efforts destinés à conserver une biodiversité agricole. «L’enjeu majeur est de savoir qui contrôle les ressources génétiques, l’agrobusiness ou les communautés locales», souligne le chercheur. Pour lui, garder des semences en banque permet certes de préserver un patrimoine végétal, mais cela ne suffit pas: «Il est important que les semences puissent évoluer, notamment en fonction des changements climatiques.»
Évolution constante
Villeret, dans le Jura bernois: le biologiste et semencier Martin Brüngger cultive plusieurs parcelles qui permettront d’entretenir la banque de semence de la Confédération, située à Changins, près de Nyon. «Bien que l’on puisse préserver des semences pendant cinquante à cent ans dans certaines conditions, il faut mettre à jour les stocks de graines tous les quatre à dix ans, afin de pouvoir garantir une bonne qualité», explique-t-il. Spécialisé dans les variétés de légumes tels que laitues, pois, haricots ou encore aubergines et poivrons, ce maraîcher d’un style particulier estime qu’il est primordial de conserver des espèces indigènes qui pourront servir de base pour développer des variétés adaptées aux conditions futures.
Si la Suisse fait office de bon élève en la matière, la question devient plus que problématique dans les pays du Sud. Les petits paysans ont des difficultés d’accès aux semences et font face à des monocultures intensives qui mettent en péril leur biodiversité et leur avenir. Un débat fourni en perspective…
Conférence
«Les graines du monde»
Ma 10 mars, 20h15, Club 44, rue de la Serre 64, La Chaux-de-Fonds. Projection photographique suivie d’une discussion.
Livre
La thèse de Claudio Brenni a fait l’objet d’une publication aux éditions Alphil. Elle est en téléchargement libre sur le site de l’éditeur www.alphil.com. Souveraineté alimentaire et semences — Questions autochtones et paysannes dans la gouvernance de la biodiversité agricole internationale [1970-2013], Claudio Brenni, Editions Alphil, 2019, 456 p.