Au Honduras, l’autonomie agricole est un combat
Au Honduras, les trois quarts des 9 millions d’habitant·e·s ont un lien à la terre. Soit parce qu’ils dirigent une exploitation, soit parce qu’ils vivent et travaillent en ville, mais cultivent un petit lopin de terre familial. A côté de cette agriculture historique, l’agriculture industrielle reste surtout dédiée à l’exportation: monocultures de bananes, de canne à sucre, de melons… bourrées de pesticides, et parfois de semences transgéniques, qui contaminent les cultures traditionnelles. Au total, l’agriculture représente 22 % du produit intérieur brut. «C’est d’abord une activité familiale, traditionnelle, d’accès à l’alimentation et d’autosubsistance», explique Octavio Sanchez.
Confiscation
A la suite d’une loi dérivée de la Convention internationale pour la protection des obtentions végétales, les paysans et paysannes ne peuvent plus librement réutiliser des semences issues de leurs propres récoltes. Le maïs notamment, ingrédient de base au Honduras, devrait en principe être racheté chaque année à des semenciers. Or, «la plupart des personnes qui exploitent leur lopin de terre n’ont absolument pas les moyens d’acheter chaque année leurs semences. Et depuis des millénaires, ils réalisent eux-mêmes leur propre sélection de graines», explique Octavio Sanchez. Les multinationales affirment développer des variétés plus efficaces, plus résistantes, permettant de lutter contre la malnutrition, les maladies, les insectes… Des arguments que ce scientifique et militant de 62 ans balaye d’un revers de la main. «La question des semences, croyez-moi, est avant tout une question d’entreprises et de commerce.» Avec ANAFAE, réseau de promotion de l’agroécologie et de la souveraineté alimentaire qu’il a fondé en 1996, Octavio Sanchez favorise l’autonomie des personnes qui cultivent la terre.
Menaces
ANAFAE effectue aussi un travail de revendication politique et de combat juridique, soutenu en cela par Pain pour le prochain. «Leur assistance nous permet de rencontrer d’autres organismes à travers le monde qui partagent le même combat. Nous sommes devenus le seul pays où les semences traditionnelles ont été reconnues juridiquement comme un bien commun!» se réjouit-il. Octavio Sanchez aimerait que l’accès aux semences soit reconnu comme un droit fondamental, sans monopole des multinationales, souvent appuyées par les politiciens locaux. Un combat courageux: le Honduras compte le plus important taux d’assassinats politiques, au prorata du nombre d’habitants. En 2019, vingt activistes y ont été assassinés, le tout dans une totale impunité selon le commissaire aux Droits de l’homme du pays. Quand on demande à Octavio Sanchez s’il a peur, il ne s’en cache pas. «Mais la peur ne paralyse pas.»
Evénements
Plusieurs rencontres sont organisées en Suisse.
A Lausanne – jeudi 19 mars, 18h30, Alliance Sud. Inscription obligatoire.
A Genève – jeudi 26 mars, 19h, Palais Eynard, Inscription obligatoire. Informations, autres dates ou organiser une intervention : www.voir-et-agir.ch/events.
Comprendre
Les semences sont la base de la production alimentaire mondiale, assurée à 70% par la paysannerie et à 30% par l’agro-industrie. Un court-métrage explique la privatisation des semences. A voir sous www.pin.fo/semences.
Agir
Un modèle de lettre à adresser au Secrétariat d’État à l’économie et d’autres propositions d’actions sont disponibles sous www.voir-et-agir.ch.