Un libre passeur
Il tend sa carte de visite avec un sourire taquin, la présentant comme déjà collector. Sur le papier immaculé au logo du Musée international de la Réforme (MIR), on lit «Gabriel de Montmollin, Commissaire Jubilé 2017 de la Réforme». Pendant dix mois, dans un petit bureau encombré de livres et de paperasses éparses, en face de la billetterie du musée, il a préparé l'exposition sur le tournant révolutionnaire de la Réforme provoqué par l’imprimerie que l'on peut découvrir au MIR jusqu'au 31 octobre 2017. Un travail titanesque qui n’effraye pas le quinquagénaire. Il a même trouvé le temps de postuler à la direction du MIR. Il occupe ce poste depuis le mois de janvier avec une envie, celle de favoriser l’actualité de la Réforme, en mettant en lumière un héritage à sauvegarder et transmettre à chacun, sans prosélytisme. «Et tout ça avec l’aide de Dieu!», plaisante-t-il. A l’idée de revenir sur sa carrière toute en polyvalence, Gabriel de Montmollin coupe en riant : «Ne me faites pas passer pour un vieux grigou!». Difficile, car son parcours étonne. Une entrée de choix pour faire connaissance avec un homme dont la carrière s’est faite sur toile de fond religieuse, tout en parvenant à esquiver la question des convictions.
Libres convictions
«Gabriel de Montmollin médiateur, passeur», l’idée lui plaît. «J’aime rejoindre les gens et corriger leur première impression. J’aime bien l’ouvrir! Travailler dans la communication, la transmission, mon destin était tout tracé pour le bavard impénitent que je suis. Mais je suis aussi très timide.» Il aura d’ailleurs fallu attendre bien trente minutes avant que nos regards ne se croisent au détour d’une réponse. «Je communique moins au sujet de la foi qui m’habite que je n’essaye de faciliter l’accès aux connaissances des gens qui se posent des questions.» A force de tourner autour du pot, il avoue que son Jésus «est celui du sermon sur la montagne. Celui qui renverse les inégalités. Il y a un ferment égalitaire dans le christianisme primitif qui a des effets jusque dans notre société. Notre rôle est de rappeler cet héritage». Avant d’ajouter que pour lui «la foi est inséparable d’une pratique, et je pratique peu. Mais mon action publique témoigne de la façon dont je gère mes valeurs chrétiennes». Il n’en dira pas plus, sauf que la foi est une affaire individuelle. Il est libre Gabriel! Autonome, il se retrouve toujours à des postes de chef, « peut-être parce que quand on y a goûté, il est difficile de s’en passer».
D'une passion à l'autre
Un goût de liberté que ce fils de protestant neuchâtelois doit peut-être à son passage sur les bancs d’une école catholique à la pédagogie autoritaire. Une heure d’instruction biblique par jour et un rapport à la nature aiguisé ont laissé de beaux souvenirs, sans avoir raison de son libre arbitre. «Je me souviens du nid de guêpe installé en classe trois mois durant, de l’école fermée pour aller observer des cigognes.» Mais c’est de la lecture de La dernière tentation de Nikos Kazantzakis que vient le déclic. Ses interrogations culturelles et philosophiques autour du Jésus historique l’entraînent sur d’autres bancs, ceux de la Faculté de théologie. Au milieu de ses études, il part en Inde étudier les religions populaires. Il en revient en sandales, non violent, végétarien et avec les cheveux longs. Une fois sa licence en poche, il se lance dans la presse d’opinion en rejoignant la Vie protestante romande puis réalise les premiers numéros de la Vie protestante neuchâteloise avant ses 30 ans. Après quatre ans, par manque d’autonomie et en quête d’ailleurs, il s’engage comme délégué du CICR au Proche Orient. Le Liban, Gaza, la Jordanie et enfin l’Iran où il tombe sur une annonce dans un journal suisse pour le poste de directeur des éditions Labor et Fides, qu’il obtient. «Pour diffuser une littérature érudite, théorique, il faut être pratique et débrouille, surtout pour gérer les finances!» En plus de vingt ans, Gabriel de Montmollin y a publié 800 ouvrages, testé des collections et attiré des publics nouveaux. «Mais après douze ans, je me suis senti devenir un vieux ronchon.» Il postule à la direction du CSP, l’expérience est mitigée. Il retourne alors à ses activités d’éditeur. Avant de passer le flambeau à Matthieu Mégevand en 2015. Aujourd’hui au MIR, mais pour combien de temps?