Jean-Christophe Emery: «La réflexion théologique m’emmène toujours dans un ailleurs»

Jean-Christophe Emery / © ARC/Jean-Bernard Sieber
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Jean-Christophe Emery
© ARC/Jean-Bernard Sieber

Jean-Christophe Emery: «La réflexion théologique m’emmène toujours dans un ailleurs»

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Nouveau responsable de la formation initiale des ministres romands, le formateur et ancien journaliste est en perpétuelle recherche d’absolus. Heureusement, il les sait inatteignables.

Comment former les futurs pasteurs, pasteures et diacres? La question est en réflexion depuis au moins un an et demi au sein de différents groupes de travail. Une démarche qui a, par ailleurs, provoqué plusieurs départs au sein de l’Office protestant de la formation (OPF) (lire l'article de Protestinfo du 26 septembre 2024). «Le processus était largement contributif», décrit Jean-Christophe Emery, qui, depuis février, fait partie de la nouvelle équipe en qualité de responsable de la formation initiale des ministres. Une tâche à temps partiel qu’il assumera à côté d’un poste qu’il occupe depuis neuf ans: directeur de Cèdres formation, un centre rattaché à l’Eglise réformée vaudoise qui propose divers cursus parmi lesquels le Séminaire de culture théologique qui ouvre la porte à la formation de diacre.

Ministre en itinérance

«Les futurs stagiaires devront apprendre à travailler en équipe avec des sensibilités, des regards différents. C’est un cheminement qui est à la fois de proximité et de distance et qui a conscience qu’il se vit en tension entre les deux. A mon avis, c’est au cœur même de l’identité ministérielle. Etre ministre, c’est quoi? Est-ce que c’est une identité absolue parce qu’elle est donnée par Dieu? Mais un ministre qui se sentirait tellement investi par sa propre spiritualité laisserait-il encore une place pour autrui, pour d’autres manières de voir les choses, pour d’autres perspectives théologiques? Si le ministre peut incarner cette propre distance à lui-même, je crois que c’est un grand atout. Et la théologie ne fait pas autre chose que d’affirmer que Dieu est proche et que Dieu est lointain», explique le formateur d’adultes. 

Quant aux défis auxquels devront faire face les futurs ministres, Jean-Christophe Emery identifie «la prise de conscience que l’on ne peut plus simplement faire comme on a fait jusque-là. Les stagiaires sont appelés à articuler une double loyauté, d’une histoire, d’un passé, d’une tradition, d’un savoir-faire, d’une exigence et d’un public. Et en même temps, devoir être en phase avec un monde qui évolue, avec ses nouvelles questions, ses nouvelles crises, ses nouvelles sensibilités.» 

S’il avoue être en recherche permanente de la vérité depuis son adolescence, Jean-Christophe Emery constate que «la réflexion théologique l’emmène toujours dans un ailleurs. La grande trame narrative de l’Evangile et de la Bible, c’est une trame d’émancipation». Alors face au besoin de points de repère et de zones de sécurité, il explique: «J’aime beaucoup parler de certitudes provisoires. Quand j’ai des étudiants que je sens en recherche et en besoin de sécurité, je ne vais pas nier ce besoin. Le fait de parler de certitudes provisoires est une manière d’installer dans notre subconscient le fait que ça reste limité. On ne se met pas dans quelque chose d’absolu et de définitif. Mais on sait qu’on en a besoin, on en prend conscience et ce n’est pas la même posture.»

J’avais envie de comprendre l’humain.

Tout sauf pasteur

Mais si le théologien se dit fasciné par le pastorat, il n’a jamais occupé cette fonction. «J’ai eu un ministère jeunesse dans une Eglise évangélique, mais je n’avais pas vraiment le statut de pasteur. Et ce n’est probablement pas pour rien, parce que je ne me sentais pas à l’aise avec les projections sociales autour de la figure pastorale, qui m’ont toujours à la fois attiré et quand même interrogé.» 

De fait, le nouveau formateur des ministres a un parcours pour le moins atypique: «J’ai obtenu une maturité fédérale scientifique, mais je ne voulais pas continuer directement ma formation à l’Ecole polytechnique parce que j’avais un peu cette idée que dans les sciences dures j’allais avoir un job d’un côté, puis une passion que je n’arrivais pas encore à identifier de l’autre.» 

Le jeune homme prend alors une année sabbatique durant laquelle il travaille dans l’électronique et c’est en posant des câbles audio qu’il tombe sur un catalogue de formations en sciences de l’éducation. «Ça a fait tilt: je me suis converti aux sciences de l’éducation! En fait, avant de me convertir à la théologie, mes passions, c’étaient les sciences de l’éducation, l’anthropologie, la sociologie. J’avais envie de comprendre l’humain.» Une recherche qu’il a également conduite au travers du journalisme qu’il a exercé durant onze ans au micro de RTSreligion.

Bio express 

1988 Commence l’Uni. D’abord en sciences de l’éducation puis en théologie. 
1996 Premier ministère dans une Eglise évangélique. 
2005 Naissance de sa fille aînée, Lyah, et engagement à RTSreligion. 
2008 Naissance de Laël. 
2011 Naissance de Iona. 
2016 Quitte la RTS pour Cèdres formation.

Podcast «L’Esprit du temps» 

Invité à prêcher pour le culte de consécration et d’agrégation des pasteurs et diacres vaudois en 2024, Jean-Christophe Emery a eu envie de faire de cette intervention une œuvre collective. Résultat: une série d’interviews partagées sous forme de podcast et dont des extraits ont été diffusés durant le culte. «J’ai rencontré à la fois des acteurs qui étaient impliqués dans cette journée d’Eglise et un certain nombre d’experts ou de penseurs pour déployer cette question de l’Esprit», explique-t-il. «La thématique de l’Esprit s’y prête bien parce que précisément on aime bien l'idée qu’il souffle où il veut.» 

A retrouver sur les plateformes de podcast et sur tinyurl.com/esprittemps.