Musée International de la Croix Rouge :L’exposition « Sang dessus dessous »dénonce l’hypocrisie des guerres propres

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Musée International de la Croix Rouge :L’exposition « Sang dessus dessous »dénonce l’hypocrisie des guerres propres

8 avril 2003
L’exposition « Sang dessus dessous » qui s’ouvre ce mercredi 9 avril au Musée International de la Croix-Rouge à Genève, dénonce l’imposture des guerres modernes soi-disant propres, avec frappes chirurgicales censées faire croire que la guerre ne vise pas à tuer
Et rappelle l’omniprésence du sang dans l’histoire de la Croix-Rouge. C’est d’ailleurs dans un bain de sang qu’elle a été fondée par Henry Dunant, atterré devant les 9000 morts de la bataille de Solférino en 1859. Le sang donné sauve des vies, le sang versé tue. Le sang symbolise la vie mais aussi le sacrifice du Christ, métaphore de la vie. L’exposition « Sang dessus dessous » rappelle que le sang a de tout temps défini l’homme et la société dans laquelle il vit. Toutes les cultures renvoient en permanence au pouvoir métaphorique du sang. Sang impur de règles dans certaines cultures, que Pililotti Rist célèbre à sa manière dans un clip, sang qui lave les péchés, sang des martyrs chiites qui témoigne pour eux au jour du Jugement dernier, et se métamorphose en fleurs écarlates sur des ex-voto pieux.

« Que les communautés se définissent autour d’un sacrifice leur garantissant la protection divine ou de caractères héréditaires transmis par le sang, dans tous les cas, c’est la référence au sang qui fonde le lien social, » rappelle Philippe Mathez, commissaire de l’exposition et conservateur du musée. A travers le parcours ethnologique et historique qu’il a imaginé, il invite le visiteur à une réflexion critique autour des usages contemporains du sang et sur les mensonges des guerres propres.

§Dracula La visite démarre au bal des vampires, à l’invitation de Dracula. Ce prédateur de la nuit, contraint de boire du sang pour vivre et prolonger indéfiniment son existence posthume, a réactualisé dans l’imaginaire collectif européen toute la symbolique liée au sang en tant que métaphore de vie. Les paroles du personnage imaginé par Bram Stoker dans l’Angleterre du 19e siècle, « Le sang, c’est la vie » rappellent celles qui figurent dans la Bible : « Car la vie de toute chair, c’est son sang » (Lévitique 17 :14)

A l’instar de Dracula, nous consommons également des aliments aux vertus fortifiantes qui font référence au sang par leur appellation métaphorique, leur aspect ou leur couleur: canettes de Red Bull, oranges sanguines, etc. A ces produits, on peut ajouter des substances de synthèse plus puissantes, comme l’hormone protéique EPO, qui, détournée de son usage thérapeutique premier, permet d’améliorer les performances des athlètes.

La Sainte Cène, qui est au cœur de la liturgie chrétienne, consacre le pain et le vin et fait référence au sang du Christ : « Ceci est mon sang, le sang de mon alliance, qui va être répandu pour une multitude en rémission des péchés » (Matthieu 26 :28).

§Donner son sangUn volet présente les efforts des hommes pour préserver le sang, pour le donner, le récolter, le transfuser, afin de sauver des vies humaines. La Croix-Rouge y joue un rôle majeur. Au sang donné correspond le sang versé, sujet aujourd’hui marqué par le tabou et l’interdit. On veut faire croire qu’on ne tue plus au cours de ce que l’on appelle pudiquement des frappes chirurgicales. On veut des conflits propres. Du moins on aimerait y croire. Les victimes sont escamotées. Quand elles ne sont pas niées. La Croix-Rouge, les compte, elle, et sait mieux que personne que les guerres modernes tuent, affament et exterminent.

L’exposition dénonce aussi la peine capitale, encore appliquée dans 104 pays. Si les bourreaux peuvent se targuer de ne plus faire couler le sang, en pratiquant des exécutions médicalisées au moyen d’injections létales, personne n’est dupe. Ces morts programmées, infligées, éclaboussent de sang l’humanité tout entière.