Nucléaire : la scission est aussi dans les Eglises

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Nucléaire : la scission est aussi dans les Eglises

6 mai 2003
Pas vraiment d’accord entre elles, les communautés chrétiennes
Dans la perspective du 18 mai prochain, plusieurs organismes ou responsables ecclésiaux se sont exprimés à propos des initiatives antinucléaires. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’un même point de départ n’aboutit pas forcément à la même conclusion. Oscar Wilde écrivait qu’une chose n’était pas forcément vraie parce qu’un homme mourrait pour elle. En matière d’éthique, force est en tout cas de constater que la conviction n’empêche pas la multiplicité. D’où parfois une difficulté certaine de s’y retrouver. Parmi les objets soumis au peuple le 18 mai prochain figurent deux initiatives antinucléaires. Même si la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS) n’a pas publié de déclaration officielle, plusieurs organismes et responsables ont exprimé leur avis. Parmi eux, la Communauté oecuménique de travail Eglise et Environnement (COTE) recommande explicitement un double oui.

Soutenue par près de 800 paroisses catholiques et protestantes, mouvements ecclésiaux et autres membres individuels, cet organisme a pour but principal de renforcer la conscience écologique des Eglises et des citoyens en Suisse. « Nous devons nager à contre-courant pour atteindre un jour des eaux propres et un environnement préservé », note ainsi la COTE dans son bulletin de mars dernier. Interrogé par Bonne Nouvelle, le journal de l’Eglise vaudoise, le cofondateur de la COTE Lukas Vischer explique qu’il en va « de la protection de la vie et de la planète » à propos de laquelle « notre foi en un Dieu créateur nous oblige à prendre position ».

La COTE note que si les autorités catholiques et protestantes ne se sont pas exprimées, elles l’avaient déjà fait dans le passé, prenant peu à peu « conscience que la planète est en danger ». Tel est également l’avis du pasteur et auteur Shafique Keshavjee. Le fondateur de la maison de l’Arzilier a publié une réflexion en ce sens, estimant « injuste et irresponsable » l’exportation des déchets radioactifs comme le risque de contamination.

§Une même source, deux discoursCette sensibilité proche de celle des milieux écologistes rappelle que les religions redécouvrent depuis quelques années le respect de la Création présent dans leurs doctrines. En France, le WWF a organisé début avril sa seconde rencontre sur le thème Ecologie et spiritualité. Des défenseurs de l’environnement comme le biologiste catholique Jean-Marie Pelt prêchent de moins en moins dans le désert. On peut donc penser qu’au niveau suisse, il existe une large unanimité parmi les chrétiens sur la question du nucléaire. Mais ce serait mal connaître la variété des positions éthiques.

Dans une petite étude commune consacrée à ce sujet, « Foi et économie » et le groupe « Christen und Energie » prennent l’exact contre-pied. Fondé en 1984 en Suisse allemande, le premier est un groupe d’études interconfessionnelles qui tente d’entamer le dialogue entre les sphères économiques et religieuses. Egalement germanique, « Christen und Energie » se penche depuis 1984 sur la politique énergétique de notre pays.

« Cette brochure entend démontrer que le nucléaire est écologique, économique et éthiquement acceptable », précise le document. Reprenant en grande partie les arguments économiques et énergétiques des partisans de l’atome, les deux organismes se fondent également sur l’Ecriture pour justifier sa position : « Au moment de la Création, Dieu vit que toute chose était bonne. Et si l’énergie nucléaire existe à l’état naturel, c’est pour que les hommes s’en servent, à condition d’être prudents ». Soucieux de mettre « l’éthique au centre de toutes les décisions », ils estiment que c’est la peur - « instrument du Diable » - qui est mauvaise conseillère : Dieu veut la vie sous toutes ses formes et, pour assurer son maintien et son développement, « toute forme de vie a besoin d’énergie ». Pas de salut, donc, sans nucléaire. Bref, le citoyen en mal de repères moraux risque la désillusion s’il cherche du côté des Eglises matière à orienter son vote de la semaine prochaine.