« Fausse route » d’Elisabeth Badinter :L’égalité est en panne

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« Fausse route » d’Elisabeth Badinter :L’égalité est en panne

21 mai 2003
Dans son dernier ouvrage, Elisabeth Badinter dresse un constat lucide : l’heure n’est plus aux conquêtes en chantant, main dans la main avec les hommes, mais à la différence au nom de laquelle on discrimine les femmes et suspecte tous les hommes en bloc
L’égalité est en panne et le mythe de l’instinct maternel revient en force pour rappeler les mères à leurs devoirs. Après les grandes victoires des années 70, l’arrivée massive des femmes sur les lieux de travail, qui leur assurait une certaine indépendance, tous les espoirs étaient permis. L’égalité des sexes, ultime critère de la démocratie, était en marche. On voyait le bout du tunnel, la fin de la discrimination. On signalait comme des victoires le nom de celles qui investissaient pour la première fois des territoires jusqu’alors masculins. Toutes des pionnières : la première femme maçon, la première femme professeur en physique, la première pilote. Les féministes européennes rêvaient d’une relation apaisée avec les hommes de leur vie, père, mari, patron et tous les autres.

Et puis a déferlé la nouvelle vague des féministes américaines qui tenaient un discours séparatiste, nationaliste et essentialiste, dénonçant toutes les violences faites aux femmes. Le grand méchant loup était désigné, l’homme, tous les hommes, même ceux qui n’ont jamais fait de mal à une mouche. De leur côté, les « superwomen » ont flanché. Car rien n’a véritablement bougé en 30 ans, l’égalité des salaires est loin d’être acquise, l’égalité des chances de promotion un mirage, les femmes continuent d’assumer les trois quarts des tâches ménagères, d’assurer sur tous les fronts (voir notre article Maternité et carrière), l’Etat se fiche bien des problèmes des mères de famille. De quoi être amères.

Rentrer à la maison

Le désenchantement est devenu ressentiment. La dureté de la crise économique a fait le reste. L’heure n’est plus aux conquêtes en chantant. Rien n’a vraiment changé. Les femmes, de plus en plus fragiles économiquement, rentrent à la maison, se résignent à l’inégalité au nom de leur différence. La victimisation de la société est devenu le fer de lance des féministes actuelles. La violence masculine n’a jamais été aussi clairement mise sur la sellette, violence sociale et sexuelle ne font plus qu’un. . L’égalité dans la différence est le mot d’ordre général.

§Sexisme à l'égard des hommes Elisabeth Badinter avoue son malaise à l’égard de la condamnation en bloc du sexe masculin, qui est aussi une forme de sexisme. A force de faire le procès des abus de certains hommes et de s’accrocher à la problématique identitaire, le féminisme de ces dernières années a laissé de côté les combats qui ont fait sa raison d’être. Le grand retour de l’instinct maternel et le mot d’ordre général en faveur de l’allaitement prolongé ont rendu plus difficiles aux mères trentenaires d’aujourd’hui l’exercice de leur maternité et la conduite de leur vie et de leur carrière. Le discours dominant sur cet instinct, « plus fort que tout » les rappelle sans cesse à leurs devoirs, c’est-à-dire à leur nature. Il faut un sacré caractère pour résister à ces pressions et se moquer d’être considérée comme une « mauvaise » mère et plus tout à fait comme une « vraie » femme. D’égalité, il n’est §Elisabeth Badinter, Fausse route, mars 2003, édition Odile Jacob§