Ce concept, unique en Suisse, s'apprête à s'étendre dans deux autres lieux de la région lausannoise. Reportage. « Le bon côté par rapport à la situation dans mon pays ? Les consultations sont beaucoup plus complètes ». Sonia est enceinte de son quatrième enfant. Pour la première fois, sa grossesse se déroule en Suisse et non en Amérique du sud. Habituée à vivre cette période charnière très entourée, la jeune femme s'avoue un peu déstabilisée par les coutumes suisses plutôt individualistes. « Chez moi, il y a la famille et l'entourage qui vous aident, les voisins qui vous soutiennent, avec qui on peut parler. Ici, je me sens seule ». Pour Sonia comme pour d'autres futures mamans migrantes, l'association « Aux Quatre Coins » a ouvert depuis 3 ans et demi à Renens des cours de préparation à la naissance.

« Je pouvais aller à l'hôpital, mais je me sens plus à l'aise ici », sourit une très jeune Brésilienne qui sera bientôt maman pour la première fois. Question de langue, de culture aussi. « D'abord, elles trouvent ici une interlocutrice qu'elles n'ont aucun mal à comprendre. Ce n'est pas toujours le cas dans les consultations publiques, au CHUV ou ailleurs. Nous offrons une ambiance chaleureuse, presque familiale, qui les mets en confiance ». Psychologue, Isabelle Costa-Moumy a eu ses trois enfants dans notre pays. Arrivée après un « déracinement non souhaité » selon sa litote pudique, elle se rappelle une douloureuse solitude, surtout durant sa première grossesse. « En Suisse, il faut faire appel aux structures officielles, apprendre à se confier à des inconnus dans des domaines très intimes. Après la naissance, c'est parfois pire, on doit se débrouiller pour avoir accès à l'offre socio-médicale. Et suivant d'où l'on vient, c'est très difficile ».

§Bientôt 2 nouveaux lieuxLes rencontres organisées « aux Quatre Coins » tentent de redonner confiance aux migrantes enceintes, en leur offrant un lieu où elles se retrouvent avec d'autres femmes dans la même situation, où elles peuvent parler librement de leur ressenti et de leurs craintes. A part une très modeste finance d'inscription, elles sont également gratuites, alors qu'une partie de la population étrangère n'a tout simplement pas les moyens de payer les préparations à l'accouchement proposées par les canaux reconnus. « Nous essayons de demeurer très à l'écoute », explique Eliane Schnabel. Egalement membre du comité, cette sage-femme a travaillé pour la FAREAS et durant plusieurs années au Nicaragua. « Nous sollicitons beaucoup l'acquis, nous demandons de quoi elles ont besoin ou envie. Et si nous sentons des réticences, même face à quelque chose qui nous paraît important, nous n'insistons pas ».

Dispensés pour l'heure uniquement à Renens, ces cours vont très prochainement s'ouvrir au CHUV et dans les locaux d' « Appartenances », au centre de Lausanne. Eliane Schnabel : « Notre but est d'élargir peu à peu ce service à l'ensemble de la Suisse, où rien de ce genre n'existe. Nous essayons aussi d'élargir notre offre au niveau des langues, limitées pour l'instant à l'espagnol, au portugais, au turc et à l'albanais ». De l'avis général, et malgré des informations disponibles dans plusieurs hôpitaux et cabinets médicaux, les services de maternité du CHUV et de l'hôpital de Morges ayant d'ores et déjà accepté de jouer le jeu, l'information ne touche de loin pas encore tout le public concerné. « Beaucoup de professionnels de la santé reconnaissent l'utilité de la démarche, mais pris par leurs activités, ils ne pensent pas toujours à signaler notre existence. Et cette population ne lit pas forcément les panneaux d'affichage. Le bouche à oreille demeure sans doute notre meilleur atout, mais cela prend du temps ».

L'association « Aux Quatre Coins » existe depuis bientôt sept ans. Dans son petit local du chemin du Censuy, tout près de la piscine de Renens, une douzaine de professionnelles de l'enfance accueillent librement et gratuitement adultes et enfants selon le principe des maisons ouvertes chères à Françoise Dolto. « Un lieu où l'enfant peut jouer avec d'autres ou avec sa maman ; où le parent se repose, discute avec d'autres accompagnants sous l'oeil de deux éducatrices qui offrent présence et écoute. Les salaires sont payés par le Service de protection de la jeunesse (SPJ) et l'association est financée autant par des fonds privés que par la commune.

Eliane Schnabel, sage-femme : « L'idée de Dolto est de créer un espace qui mette en contact adultes et bambins, qui permette un autre regard, qui favorise la rencontre, la détente, l'échange. La seule contrainte est que l'adulte doit rester avec l'enfant ». La fréquentation augmente chaque année, avec une clientèle essentiellement d'origine étrangère. En 2002, plus de 3'000 enfants en ont profité.

§«Aux Quatre Coins », Av. du Censuy 5, 1020 Renens, bus 32 et 33, à mi-distance entre gare et piscine.