Œcuménisme au Carmel de Mazille :Une havre de silence prisé des protestants

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Œcuménisme au Carmel de Mazille :Une havre de silence prisé des protestants

7 août 2003
Sur sa colline nimbée de verdure et de lumière, dans un silence de début du monde, le Carmel de la Paix de Mazille, à deux pas de Cluny, est un lieu de retraite très prisé des protestants romands
Le monastère catholique est réputé pour la qualité de l’accueil et l’ouverture œcuménique que les moniales y cultivent. De solides amitiés se sont nouées au fil du temps entre les religieuses et les réformés qui vont régulièrement s’y ressourcer.Parmi les habitués du lieu, les théologiennes Yolande Boinnard et Francine Carillo, - considérées par la communauté religieuse comme des sœurs, les pasteurs Jan de Haas, Marc Faessler, Maurice Gardiol, ancien modérateur de la Compagnie des pasteurs et diacres de l'Eglise genevoise, le pasteur vaudois Jean-François Ramelet et tant d’autres. C’est sans doute le professeur Eric Fuchs qui est à l’origine de l’engouement des protestants pour le Carmel de la Paix: il fut l’un des premiers, il y a une vingtaine d'années, à s’y rendre à la suite de ses enfants qui l’avaient découvert par hasard lors d’une randonnée à vélo avec un groupe de jeunes paroissiens. Séduit par l’accueil et la qualité de la réflexion théologique des Carmélites, il les a invitées à présenter leur approche de la spiritualité au Centre protestant d'études de Genève, ce qu'eles ont accepté tout de go. Elles y ont donné plusieurs conférences. Le professeur d’éthique genevois y a ensuite emmené des volées d’étudiants, qui à leur tour, y sont retournés. L’effet boule de neige a fait le reste.

§Les différences sont des richesses Mais qu’est-ce qui attire les protestants dans cette communauté de religieuses qui vivent en silence et qui, pour subvenir à leurs besoins, travaillent la terre et élèvent des vaches et des moutons ? « Ce qui me touche à Mazille, c’est l’ouverture œcuménique de la communauté et la grande liberté avec laquelle les religieuses nous accueillent », explique Erich Fuchs. Une ouverture à laquelle les moniales tiennent beaucoup. « Nos différences ne sont pas pour nous des obstacles, mais des divisions fécondes, précise Sœur Marie-Paule, ce sont des invitations à nous accepter mutuellement tels que nous sommes. Il faut vouloir l'unité, le Christ l'a voulue, mais sans prétendre gommer l'autre et l'annexer. Le mystère de Dieu est bien au-delà de nos dogmatismes et la pluralité de nos approches n’est pas de trop pour l’aborder ! » Et Sœur Marie-Paule de préciser encore : « L’Esprit Saint est celui qui maintient l’espace entre nous, si nécessaire. Ne s’est-Il d’ailleurs pas manifesté aux apôtres en douze langues distinctes ? Et les frères ne sont-ils pas partis aux quatre coins du monde pour annoncer la bonne nouvelle dans des langues bien différentes afin que chacun comprenne le message de l’intérieur? En choisissant de vivre ici avec nos différences et de durer ensemble, nous vivons à notre manière une forme d’oecuménisme ».

§Silence fécond La première chose qui frappe à Mazille, c’est le silence. On mange en silence, on prie en silence, on ne parle pas entre les offices et les repas. Chacun respecte la méditation de l'autre. Cen'est que le dimanche que les moniales parlent. Et rient. La parole alors reprend tout son sens. Un bonheur.

Si certains hôtes de passage viennent pour la qualité du silence du lieu, dense et apaisant, d’autres sont séduits par la beauté des offices qui rythment les journées, la sérénité du paysage, mais surtout pour la présence rayonnante des religieuses. « Il est arrivé que les soeurs soient absentes lors d’une oraison à laquelle j’assistais, se souvient Marc Dunant, diacre auprès des jeunes à Lausanne et ancien habitué de Mazille, la qualité de leur présence nous a singulièrement manqué ».

De toute évidence, la communauté offre à ceux qui font sont en recherche spirituelle un espace pour se (re)mettre en route. L’oraison silencieuse tient une place centrale à Mazille et en font un lieu privilégié d’apprentissage de la prière. Les moniales en connaissent les difficultés, les hauts et les bas, les traversées du désert. « Le dialogue avec Celui dont on sait qu’il nous aime n’est jamais acquis », rappelle Sœur Marie-Paule.

§Thérèse d'Avila pour guide La religieuse Thérèse d’Avila, grande réformatrice des Carmes au 16e siècle, et fondatrice des couvents de Carmélites contemplatives n’avoue-t-elle pas dans « Le chemin de la perfection » : « Durant de longues années, j’ai moi-même souffert de ne pouvoir fixer mon esprit sur un seul sujet pendant l’oraison, et c’est là une épreuve très pénible ». La mystique espagnole reconnaît s’être souvent ennuyée pendant quatorze ans à l’heure de la prière. Ce qui, par la suite, l’a incitée à donner aux Carmélites des conseils pour « habituer leur âme à la méditation sans l’épouvante » et « se désencombrer » l’esprit afin de se laisser envahir par Dieu.

Pour la trentaine de moniales qui vivent cloîtrées à Mazille, c’est avant tout l’amour fraternel, l’humilité, - reconnaître ce que l’on doit à Dieu et aux autres, porter le regard de l’âme sur Celui qui ne nous perd jamais de vue (Thérèse d’Avila) – et la solidarité qui sont à la base de toute prière. Une solidarité qui passe aussi par l’accueil que pratiquent si généreusement les Carmélites de Mazille.

§Carmel de la Paix, Mazille

B.P.10 71250 Cluny (France)§