La mission met de l’eau dans son vin

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La mission met de l’eau dans son vin

21 août 2003
La mission évolue. Si l’heure est à la collaboration et à l’écoute des besoins d’autrui, apporter l’Evangile auprès de minorités d’autres religions ne va sans questions autour de la sécurité des envoyés comme des destinataires

Les « soldats du Christ », partant évangéliser à tout prix, ça existe encore. Récemment, Dans un article consacré à certains mouvements missionnaires américains, l’hebdomadaire Newsweek tirait à boulets rouges sur des méthodes mettant en danger les populations locales autant que les envoyés eux-mêmes. « D’après nos sources, c’est une enquête assez tendancieuse », souligne à Lausanne le porte parole de «Portes Ouvertes».

Reste la question : cette conception de la mission existe-t-elle encore en Suisse romande ? On sait que le Département missionnaire (DM) protestant se concentre aujourd’hui sur le partenariat avec les pays du Sud: «Le DM est en lien avec de nombreuses Eglises qui déterminent elles-mêmes leurs besoins qui peuvent aussi bien être d’ordre social, scolaire ou médical que catéchétique ou ecclésial», explique le directeur du Département missionnaire Olivier Labarthe.

Mais qu’en est-il des mouvements chrétiens plus ouvertement prosélytes ? Créée en 1995, la mission Portes Ouvertes vient en aide aux 200 millions de chrétiens persécutés dans le monde. « Nous envoyons assez peu de personnes à l’étranger. Notre raison d’être consiste plutôt à aider les minorités chrétiennes sur place ».

§Respecter la culture d’autruiLa Chine et les pays musulmans constituent leur principal champ d’action. « Nous tentons de donner aux chrétiens les moyens de survivre avec leur foi, en défendant leurs droits, en stimulant les groupes existants. Bien sûr, il y a des conversions. Mais cela n’est pas notre objectif prioritaire ». En Iran par exemple, la loi n’interdit pas l’importation de littérature chrétienne. «Nous leur faisons donc parvenir de Bibles, introuvables dans le pays», explique le porte-parole de «Portes Ouvertes».

Pour le porte-parole de PO, il convient d’adopter « la sagesse de ceux qui ont vécu là-bas durant un millénaire », en évitant toute action qui n’ait pas reçu l’accord des communautés chrétiennes locales. « De manière générale, à ma connaissance, tous les missionnaires en partance pour un service pratique ne sont pas des évangélistes agressifs. L’idée reste d’aller apporter l’Evangile, mais dans un grand respect de l’altérité et des autres cultures ».

Etre à l’écoute des besoins de l’autre et non imposer sa religion. De l’avis général, l’état d’esprit actuel est de contribuer aux échanges entre ici et ailleurs, avec la certitude que chacun peut apporter quelque chose à l’autre. Pour Jacques Matthey, responsable du secteur mission au Conseil œcuménique des Eglises (COE) : « Théologiquement, on estime désormais que la mission n’est plus l’affaire de l’Eglise mais de Dieu lui-même, qui intervient dans les affaires humaines. Par ailleurs, la volonté d’imposer à tout prix la bonne parole se heurte à l’évolution du paysage chrétien : La vieille Europe ne cesse de perdre des fidèles alors que les terres de mission d’hier ne cessent de voir leurs communautés grandir. Dès lors, l’action missionnaire ne peut se concevoir que comme un « partenariat critique».

Danger bien présent

Enfin, le porte-parole de «Portes Ouvertes» rappelle que les pays les plus fermés aux religions étrangères demeurent de toute manière inaccessibles : « Impossible par exemple d’aller au Soudan ou en Iran en tant qu’envoyé d’une œuvre missionnaire. La seule action possible consiste donc à soutenir les quelques chrétiens qui y sont encore ».

Cependant, on ne peut ignorer que ce soutien n’est pas sans danger pour les chrétiens locaux. Dans de nombreuses régions du monde, en effet, les convertis se retrouvent dans une situation extrêmement délicate : Philippines, Laos, Nigéria, Inde, Pakistan, Turkmenistan, Turquie, Ethiopie, Indonésie : la liste des pays où l’hostilité envers les chrétiens grandit ne cesse de s’allonger. « Chez nous où il y a bien longtemps que pratiquer sa foi se fait sans danger, on a oublié qu’il n’en était pas de même pour de nombreuses minorités chrétiennes », rappelle-t-on à Portes Ouvertes.