Friedrich Dürrenmatt et Max Frisch à l'honneur
Le 14 décembre dernier, on fêtait le 20e anniversaire de la mort de Dürrenmatt. Et le 5 janvier, le 90e de sa naissance. Le 4 avril, ce sera le 20e anniversaire de la mort de Frisch, tandis que le 15 mai marquera le centenaire de sa naissance...
Certes, il ne faut pas réduire la littérature alémanique à ces deux géants (les écrivains actuels se sentent parfois un peu oubliés…). Mais il est clair que cette constellation d’anniversaires offre l’occasion de découvrir (ou de redécouvrir !) certains aspects de l’œuvre mondialement connue des deux écrivains, mais peut-être parfois un peu boudée de ce côté-ci de la Sarine.
Quelles lectures faut-il recommander pour entrer dans le monde incroyablement riche des deux écrivains, s’étalant chacune dans de nombreux volumes d’œuvres complètes ? Y a-t-il un roman ou une pièce de théâtre contenant l’essentiel de ce que l’auteur a voulu dire ? Quel livre de l’un ou de l’autre faudrait-il emporter sur une île déserte ?
Le Décalogue, inspirateur de Frisch
Il est intéressant, et à redécouvrir aussi, que tous deux se sont largement inspirés de matériaux bibliques et théologiques. Saviez-vous par exemple que tous deux ont été de grands lecteurs du philosophe danois Kierkegaard ? Que Dürrenmatt a rencontré Karl Barth et qu’il a entretenu une correspondance avec lui ? Ou encore que le deuxième commandement du Décalogue, l’interdiction de se faire des images, a joué un rôle essentiel pour Frisch ?
Et que Dürrenmatt peut revendiquer ses origines protestantes de fils de pasteur pour justifier sa protestation contre les injustices ? Qu’il a travaillé durant plusieurs années à une pièce de théâtre consacrée à la tour de Babel ?
Les deux auteurs ont été en contact l’un avec l’autre pendant plusieurs décennies. Leurs relations au fil des ans ont été complexes, faites d’amitié, d’échanges, mais aussi de concurrence et de conflits. Un reflet en est donné dans leur correspondance écrite, éditée par Peter Rüedi et traduite par Etienne Barilier (Max Frisch – Friedrich Dürrenmatt, Correspondance, Carouge-Genève, Ed. Zoé, 1999).
Pour conclure cette chronique, je cite un passage de la dernière lettre de Dürrenmatt à Frisch (pour le 75e anniversaire de ce dernier): « Je ne me suis jamais beaucoup soucié de la littérature de notre temps ; en son temps, tu as été l’un des rares dont je me suis préoccupé – de manière sérieuse probablement même le seul. En tant qu’auteur qui fait résolument de son cas personnel le monde, tu m’es toujours apparu, à moi qui fais tout aussi obstinément du monde son cas personnel, comme un correctif à mon écriture. Que nous devions nous éloigner l’un de l’autre, cela devait être fixé d’avance, sans que je veuille par là ériger une doctrine de la prédestination dans l’histoire de la littérature. »
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La dernière chronique du Professeur Bühler parue sur ProtestInfo s'intitulait "La foi seule": Jean Ansaldi (1934-2010).