Liban: l’école au son des bombardements

Le pasteur Hagop Akbasharian a tenu à ce que son établissement scolaire ouvre ses porte malgré les frappes quotidiennes aux alentours. / ©Sophie Woeldgen
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Le pasteur Hagop Akbasharian a tenu à ce que son établissement scolaire ouvre ses porte malgré les frappes quotidiennes aux alentours.
©Sophie Woeldgen

Liban: l’école au son des bombardements

Sophie Woeldgen
26 novembre 2024
Reportage
L’école protestante arménienne d’Anjar et son internat, situés dans l’est du Liban, continuent de fournir encadrement et enseignement alors que les bombes pleuvent tout autour.

Au départ de Beyrouth, il faut traverser la vallée de la Bekaa presque jusqu’à la frontière syrienne pour atteindre le village d’Anjar. Depuis l’escalade de la guerre entre Israël et le Hezbollah, les frappes sont quotidiennes dans les alentours. Des immeubles éventrés et des voitures calcinées longent la route. Mais le village de 5500 habitants, à majorité d’origine arménienne, a jusqu’ici été épargné.

L’école protestante arménienne d’Anjar, l’un des rares établissements scolaires de la région à avoir ouvert ses portes en cette rentrée 2024. «Cela a été un véritable défi, car il s’agit d’une grande responsabilité que d’assurer la sécurité des élèves dans ce contexte. Mais les enfants ne peuvent pas rester sans éducation», affirme le pasteur Hagop Akbasharian, directeur de l’institution.

Une importance d’autant plus cruciale qu’en plus de la centaine d’enfants originaires du village, l’école abrite un internat. «Il y a des orphelins, des victimes de violences émotionnelles, physiques ou sexuelles, et certains sont issus de familles trop pauvres pour leur offrir un cadre de vie stable», explique Hagop Akbasharian. Ces 86 enfants, âgés de 3 à 18 ans, sont pour la plupart originaires de Beyrouth ou de Syrie.

Vingt bombardements par jour

Au minimum, une vingtaine de bombardements aériens s’abattent quotidiennement dans les environs. «Nous les entendons. Nous les sentons. A chaque frappe, des enfants se mettent à pleurer de manière incontrôlée», explique le pasteur. «Le moyen le plus efficace pour les calmer est de chanter et de leur rappeler que si nous n’avons pas de contrôle sur certaines choses, nous savons que Dieu nous aime et qu’il nous protégera», affirme Nanor Kelenjian Akbasharian.

La directrice des internats leur a appris un hymne pour enfants qui s’intitule «Protégé par ton amour». «Maintenant, dès qu’ils ont peur, ils l’entonnent ensemble sans qu’on leur dise quoi que ce soit et régulent ainsi leurs émotions», remarque-t-elle. De plus, l’institution fondée par des missionnaires suisses organise, selon les moyens disponibles, des séances de psychothérapie individuelles pour chaque enfant dans le besoin.

Traumatismes bien présents

Mais les traumatismes de la guerre sont bien présents. Alors que l’école maternelle est en rénovation, le moindre bruit du chantier fait sursauter les enfants et les déconcentre. Désormais, les travaux avancent au ralenti. «Nous n’arrivons plus à nous fournir en matériaux, car la plupart des entreprises de construction sont situées dans la banlieue sud de Beyrouth ou dans des localités intensément frappées», explique Hagop Akbasharian en passant devant le bâtiment semi-rénové. Ce ne sont pas les seules difficultés matérielles. Le prix de la nourriture et des matières premières a explosé.

Nanor Kelenjian Akbasharian raconte l’une des initiatives qui illuminent son quotidien. La semaine passée, les enfants de l’internat ont mis en commun leur argent de poche pour cuisiner et apporter de la nourriture aux déplacés réfugiés à Anjar. «Nous développons aussi des activités ludiques pour les enfants déplacés. Dans les moments comme ceux-ci, il est important de s’entraider», ajoute Hagop Akbasharian.

Un budget conséquent

32 employés, 37 enseignants, 86 élèves: Le budget de l’école et de l’internat s’élève à 663 000 francs par an, issus de dons et du soutiens de l’Eglise protestante arménienne.

Pour soutenir Anjar
Adressez vos dons à: Association Cedrus Libani, 1008 Prilly
IBAN: CH43 0900 0000 1528 4634 6, mention «Anjar»