«Qu’est-ce que je penserais si je n’avais pas peur?»
Joël Burri, responsable de Protestinfo, partage une seconde réflexion ramenée de la Conférence européenne de l’internet chrétien.
Photo: CC(by) Juanedc.com
Lorsque des afflux de réfugiés sont arrivés à la gare centrale de Göteborg, comme beaucoup Gustav Martner est arrivé avec des thermos de cafés et de sandwiches. Mais, il s’est vite rendu compte que ce dont les migrants qui avaient quitté familles et amis pour chercher refuge en Europe manquait le plus, c’était de moyen de communiquer avec leurs proches.
L’ancien publicitaire a alors acheté des cartes SIM et les a distribuées, puis a fait appel à ses anciens clients pour distribuer à plus large échelle téléphones et crédit de communication. Afin que les migrants puissent juste appeler, prendre des nouvelles, dire qu’ils sont toujours en vie.
«Refugee Phone», fait maintenant partie des projets soutenus par Digital Reliance, l’organisation non gouvernementale que Gustav Martner a contribué à mettre sur pied en 2015 et qui se donne pour objectif de «renforcer les groupes vulnérables dans les médias numériques.»
A l’occasion de la fête de mères, Digital Reliance a aussi invité les Syriens réfugiés en Suède à laisser un message pour leur mère restée au pays sur un répondeur téléphonique. Ces enregistrements ont ensuite été diffusés par des radios syriennes. Souvent la radio est encore présente là où le téléphone ne passe plus. «Mais c’était surtout une opération de communication pour le public suédois», souris Gustav Martner, lorsqu’il présente ses activités aux participants de l’European Christian internet Conférence (Conférence européenne de l’internet chrétien - ECIC) qui se tenait il y a une dizaine de jours près de Göteborg. «La fête des mères avait lieu le même jour en Suède et en Syrie. Grâce à cette opération, nous voulions montrer à quel point les Syriens sont comme nous!»
Avant de participer à la création de Digital Reliance, Gustav Martner a fondé, en 2000, une agence web qui a bossé pour de grandes entreprises telles que Carlsberg ou Sony Mobile; puis il s’est lancé, en 2009, dans le big data – l’art de traiter et de visualiser les données –.
Voir que les migrants avaient davantage besoin de moyens de communication que de café relève-t-il du génie? L’intéressé y voit plutôt une façon différente de traiter les faits. «Inconsciemment, les gens résistent aux informations factuelles qui mettent en dangers leurs définitions habituelles.» Quand Gustav Martner travaillait dans le big data, il a d’ailleurs régulièrement rencontré des gens qui ne retiraient de son travail que les éléments qui allaient dans leur sens. «Ils s’achetaient une confirmation.»
Quant à lui, il s’impose avant d’agir, de soumettre ses réflexions à la question «qu’est-ce que je penserais si je n’avais pas peur.»
Se laisser convaincre par les faits plutôt que par ses convictions habituelles est, selon Gustav Martner, quelque chose qui s’apprend. Et quelle efficacité pourrait-on gagner dans nos institutions si l’on cessait d’amener du café à des gens qui n’ont pas soif, simplement parce que l’on est convaincu de bien faire.