Amour et construction de soi
Pasteur à la paroisse de l’Entre-deux-Lacs (Hauterive, Le Landeron, etc.) Raoul Pagnamenta, propose une réflexion sur la Saint-Valentin.
Photo: CC(by-nc) Khedara
Saint-Valentin est le saint patron de mon village natal. Toutes les années, le 14 février, une grande fête a lieu sur la place principale. Les marchands sont présents et pour nous enfants, un peu isolés de Lugano, c’était l’occasion de nous procurer quelques jouets inhabituels.
Au sud, la nature se réveille plus tôt. La verdure commence à se manifester à cette période et il est facile d’imaginer pourquoi en février on célèbre la fête des amoureux.
Désir et religion n’ont pas toujours fait bon ménage. Et pourtant le premier chapitre de la Genèse nous dit qu’un homme sans la femme n’est qu’une moitié et réciproquement. L’homme a besoin de la femme et la femme de l’homme pour parfaire son humanité. Le désir est là pour nous rappeler que nous ne nous satisfaisons pas nous-mêmes, que notre vrai être est en dehors de nous, que nous sommes, par nature, orientés vers l’autre.
Pour quoi faire? Se reproduire? Poursuivre l’œuvre de la création, selon le commandement de Dieu? Probablement aussi. Mais avant de donner l’ordre de se reproduire et prendre soin de la terre, Dieu prononce cette phrase étrange: «Faisons l’être humain à notre image». Je comprends dans cette exhortation que l’être humain n’est pas un produit fini, qu’il se construit jour après jour. Et qui le construit? Dieu puisqu’il parle à la première personne.
Mais pas Dieu seul, c’est un pluriel. Nous aussi nous participons à ce projet, nous ne sommes pas passifs face à l’œuvre de Dieu. Nous sommes appelés à nous construire comme des vis-à-vis de Dieu. Le désir nous rappelle que nous avons besoin de l’autre, mais cet autre n’est pas seulement notre conjoint, c’est aussi l’Autre qui nous a créés et dont la présence est inscrite au fond de notre être.
Dieu fait partie de notre nature. Mais l’autre que nous désirons et l’Autre qui nous appelle à l’humanité ne sont jamais assimilés. Le désir ne s’éteint jamais. Un homme et une femme ne sont pas seulement génétiquement différents, il parait que la structure de leurs cerveaux diffère énormément. Hommes et femmes fonctionnent différemment, réfléchissent différemment, sentent différemment.
Hommes et femmes resteront toujours étrangers les uns aux autres parce que l’Autre est appelé à être autre à jamais. C’est cette tension qui crée des malentendus entre les sexes, mais c’est aussi cette tension qui nous aide à grandir.
Alors pourquoi l’amour? Et pourquoi la fidélité? Pour grandir chaque jour et être chaque jour plus humain, vis-à-vis de l’Absolu. Je pense que c’est pourquoi la sagesse populaire a placé l’amour sous la protection d’un saint.