Cause toujours, pasteur!
Joël Burri, rédacteur responsable de Protestinfo, réagit à un débat sur la prise de parole publique des ministres du culte.
Photo: CC(by) LaVladina
«Les ecclésiastiques dérivent leurs prises de position d’une situation un peu particulière, à savoir qu’ils administrent la religion. […] En tant que tel, ils devraient s’abstenir d’intervenir en dehors de leur domaine», a tancé l’économiste Beat Kappeler, lundi soir dans «Forum» sur RTS la première. Il avait été invité à la suite d’une chronique publiée dans la «NZZ am Sonntag». «Les gens d’un domaine devraient se limiter à leur domaine. Les religieux voudraient se mêler de tout!», a ajouté Beat Kappeler dans le même débat.
Face à lui, le théologien Daniel Marguerat regrettait que trop souvent les prises de position de l’Eglise se limitent à «un silence assourdissant». Pour le spécialiste du Nouveau Testament, les ministres du culte qui parlent d’économie sont dans leur domaine «parce que l’économie ce n’est pas seulement un transfert monétaire. L’économie ce n’est pas seulement la manufacture de produits à partir de matières premières. L’économie touche l’humain considérablement. Elle l’appauvrit ou elle l’enrichit et même parfois elle le tue.» Pour le théologien, l’économie mérite un débat public et lorsque les questions deviennent trop techniques, il appartient aux économistes de vulgariser pour ouvrir le débat, plutôt que de se l’accaparer.
En écoutant cet échange, je me suis étonné que dans une société aussi sécularisée que la nôtre, on pense encore que la parole des ecclésiastiques puissent avoir un poids politique non négligeable. Comme Daniel Marguerat, je n’attends pas des Eglises qu’elles se taisent. Et je regrette souvent qu’elles ne jouent pas davantage le rôle de poil à gratter en défendant l’humain dans une société de plus en plus déshumanisée.
Mais en cette période de jubilé de la Réforme, on pourrait aussi rappeler que Luther a contesté l’autorité de la hiérarchie ecclésiale. Pour le réformateur, tous les chrétiens sont égaux. Les pasteurs, les diacres, sont au service d’une communauté plus qu’ils ne la guident. Pour illustrer ce fait, les réformés ont d’ailleurs cette habitude de prévoir une majorité de laïcs dans la plupart de leurs organes dirigeants. Bref, le ministre du culte est là pour stimuler une vie de foi, pas pour conduire la vie de leurs paroissiens. Et le fidèle a le droit de ne pas être d’accord.
En fait, il devient inutile de dire «tais-toi» au pasteur, quand on peut lui dire «cause toujours.»