Seuls les plus riches de nos voisins ont les moyens de mourir en Suisse
Responsable éditorial de reformes.ch, Guillaume Henchoz revient sur le suicide assisté en Suisse d'un DJ italien.
Fabiano Antoniani, connu sous le nom de DJ Fabo est mort en exil, en Suisse, le 27 février 2017. Tétraplégique et aveugle, à la suite d’un accident de voiture survenu en 2014, l’Italien a passé la frontière pour bénéficier du soutien de l’association Dignitas et mettre fin à ses jours, car l’Italie lui a toujours refusé ce droit. L’euthanasie active est toujours considérée comme un crime passible d’un emprisonnement compris entre 5 et 16 ans en Italie. Passons rapidement sur le fait qu’il parait incohérent de vouloir enfermer une personne soupçonnée de vouloir mettre fin à ses jours. Fabiano était de toute façon déjà en prison depuis son accident: «Je me sens dans une cage. Je voudrais pouvoir choisir de mourir sans souffrir», avait-il écrit en janvier au président de la République, Sergio Mattarella.
Si son cas a été médiatisé, c’est peut-être parce qu’il était déjà une figure connue avant d’entamer un long combat dans son pays afin d’obtenir le droit d’en terminer avec la vie. Le long chemin de croix de Fabiano Antoniani a relancé le débat en Italie. A l’échelle européenne, il n’y a hélas pas de consensus sur la question. La Belgique, les Pays-Bas et le Luxembourg ont des lois permettant de pratiquer le l’euthanasie active, une pratique du suicide assisté qui nécessite l’aide d’un tiers administrant une substance létale. La France, Le Royaume-Uni, et l’Allemagne acceptent certaines formes d’euthanasie passive, soit le renoncement aux traitements médicamenteux, alors que des pays de tradition catholique comme la Pologne, l’Italie ou l’Irlande ont opté pour une interdiction totale de telles pratiques. Exception notable, l’Espagne, de son côté, tolère l’euthanasie passive. En Suisse, l’aide au suicide est autorisée pour autant que la personne qui souhaite mettre fin à ses jours puisse elle-même déclencher sa mort.
Conséquence de ce malheureux dissensus européen, une sorte de «tourisme de la mort» est peut-être en train de voir le jour. En 2016, pas moins de 150 Italiens ont passé la frontière pour venir mourir en Suisse. Un récent article du Courrier/La Liberté pointe des pratiques au Tessin qui font frémir. L’association Liberty Life offre ses services aux étrangers désireux de mettre fin à leur vie. Le mari d’une Turinoise qui avait fait appel à cette association aurait payé 13’000 euros pour l’euthanasie de son épouse. On est bien au-dessus de l’estimation effectuée par le responsable d’Exit suisse italienne qui évalue les frais d’une euthanasie à environ 7000 francs. Le Code pénal suisse stipule que l’aide au suicide est punissable si elle est motivée par un «mobile égoïste». En mars dernier, le député socialiste Raoul Ghisletta a interpellé le Grand Conseil tessinois, invitant les autorités cantonales à prendre des mesures afin d’éviter les abus et à mettre son nez dans la gestion financière des structures en place.
Cette pratique du suicide assisté a ceci de choquant qu’elle s’adresse à une catégorie de personnes relativement aisées. Seuls les plus riches de nos voisins ont les moyens de mourir en Suisse. On peut espérer à l’avenir que les pouvoirs publics vont suivre de manière très attentive le sujet. Mais le seul véritable moyen d’endiguer cette injustice réside dans une harmonisation des législations européennes sur le sujet. Bref, on est encore loin d’être tous égaux devant la mort!