Le Jura bernois est-il encore protestant?

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Le Jura bernois est-il encore protestant?

Caroline Amberger
20 avril 2017
L’identité protestante d’un canton se mesure-t-elle au taux de remplissage d’une église? Plusieurs spécialistes ont débattu autour d’une table ronde à Tramelan ce mois d’avril.

Si Florence Hostettler prêche parfois seulement devant 20 personnes cela ne la décourage pas. Cette étudiante en théologie et animatrice en paroisse à Bévilard assume l’idée de privilégier la qualité à la quantité. «Je n’ai pas besoin d’une église pleine à craquer. Si les personnes sont pleinement et librement là, qu’elles ressortent avec un souffle nouveau, même si c’est tout petit, pour moi, témoigner pour un brin d’herbe cela en vaut toujours la peine» assure-t-elle durant un débat autour de la question: «Le Jura bernois est-il encore protestant» à Tramelan.

Une réalité qui semble très différente pour Ernest Geiser, pasteur mennonite dont l’église ne désemplit pas. La transmission se serait-elle mieux faite? «On ne transmet pas mieux que les réformés» assure Ernest Geiser, «Chaque communauté a sa propre histoire. Pour nous c’est important de vivre la foi non seulement le dimanche, mais aussi dans les familles. Par exemple, c’est une tradition que nous avons d’avoir une prière à table ou une lecture biblique. Les familles sont très incluses dans nos paroisses qui grandissent c’est un fait.»

Pour Florence Hostettler le culte le dimanche matin reste très important, mais elle reconnait que l’Eglise réformée a voulu trop cliver les choses. «Il faut prendre soin des enfants et de jeunes parents afin qu’ils fassent partie de la communauté. Longtemps, j’ai entendu la phrase, “les enfants sont l’Eglise de demain”, mais je pense qu’ils sont l’Eglise d’aujourd’hui».

Un esprit protestant

Alors ce Jura bernois est-il encore protestant? Une question sur laquelle Marc Seiler apporte un point de vue personnel. Pour ce pasteur réformé de l’Eglise de Grandval, c’est dans son esprit que le Jura bernois est protestant. «Il y a des personnes qui ne fréquentent pas les Eglises, mais qui dans leur manière d’être portent cette culture protestante, un peu sévère, qui n’aime pas la fête. Les cantons protestants ne sont pas très joyeux! Mais les grandes qualités de ce sérieux se retrouvent dans les entreprises. C’est la force et la faiblesse de ce que la réforme a apporté dans ces cantons.»

Florence Hostettler constate qu’«il y a un flou autour de notre identité. Nous faisons partie d’une Eglise qui a des valeurs et une histoire tout en étant en chemin depuis 500 ans. Il faut avancer avec la nouveauté sans tout jeter. Il y a des valeurs essentielles comme la liberté de conscience, la nécessité de toujours interpréter les textes bibliques et de ne pas les prendre à la lettre.»

Un besoin de spiritualité

Face à des églises qui se vident, le protestantisme est-il en train de disparaître? Mélanie Henchoz également invitée à cette table ronde est phytoaromathérapeute à Moutier. Elle a quitté l’Eglise parce qu’elle a eu besoin de concret pour répondre à ses besoins spirituels. «Le principe de devoir s’identifier à une religion m’éloigne de la source qui est en moi. Sitôt qu’on est sur un plan mental, on est plus en contact avec soi-même, on est sur un idéal qu’une personne nous donne la possibilité de rencontre avec le divin.» Pour Félix Moser, professeur honoraire à l’Université de Neuchâtel, l’Eglise réformée doit se comprendre comme une communauté d’apprentissage. Ce théologien souhaiterait que l’Eglise réformée puisse relever les défis qui lui sont posés. «On observe un nouveau rapport aux institutions. Les individus veulent penser par eux-mêmes. Pour construire la question communautaire il faut utiliser les nouveaux réseaux de communication» et il ajoute, «J’aimerais que l’Eglise réformée ait le courage de dire que foi et raison peuvent s’articuler.»