Il est temps de repenser théologiquement le travail
Photo: CC (by) Logan Ingalls
En 2017, pour la première fois la facture sociale dépassera l’investissement que représente la formation dans le canton de Vaud, nous apprend «24 heures». On peut bien sûr pointer la générosité cantonale, mais le conseiller d’Etat Pierre-Yves Maillard, ministre de l’Action sociale, rétorque: «Plutôt que de s’en prendre à l’aide sociale en bout de chaîne, il faut admettre que l’économie est devenue plus compétitive, la place de travail est toujours moins assurée. Repensons avec les ORP et le Département de l’économie publique la réinsertion des chômeurs peu qualifiés et de longue durée.»
Cette lecture a fait résonner en moi deux conférences que j’ai suivies ces derniers mois. Celle du théologien Gabriel de Montmollin devant les délégués du synode jurassien et du CSP Berne-Jura et la conférence à l’Université de Genève du spécialiste en droit fiscal Xavier Oberson. Le premier note que la question du revenu n’est aujourd’hui plus liée au travail d’un individu. Il plaide donc pour que les CSP remettent l’ouvrage du revenu universel sur le métier. Le second constate qu’«avec la robotisation, des places de travail disparaissent. Il faut donc trouver des solutions pour financer notre sécurité sociale, nos infrastructures et la formation de personnes qui devront se réorienter», comme le rapporte La Tribune de Genève. Les robots—il vise en particulier les machines douées d’intelligence artificielle— vont modifier la réalité du monde du travail, et probablement que cela va se faire avec une rapidité inouïe. Le juriste propose donc dès aujourd’hui de mettre en place des outils pour taxer les robots.
Bref. Le temps où à la question «tu fais quoi dans la vie», l’on répondait par sa profession est peut-être bien révolu: il n’y aura plus, et cela peu aller très vite, du travail pour tous. Patatras un modèle s’écroule.
En cette année de jubilé de la Réforme, on a un peu thématisé sur l’arrivée d’internet qui a bouleversé notre monde autant que l’arrivée de l’impression au temps de Luther. Mais un autre héritage que l’on doit à Luther et Calvin est celui de notre rapport au travail.
«Calvin enrichira les thèses de Luther par la conviction que la dignité du travail découle du fait que le travail de l’homme s’inscrit dans le prolongement du travail que Dieu entreprend dans le monde pour l’entretien de ses créatures», écrit Michel Johner, professeur à la Faculté libre de théologie réformée d’Aix-en-Provence dans «La Revue réformée». Il ajoute «Pour cette raison, l’oisiveté, en morale protestante, a toujours été considérée comme étant un vice particulièrement répréhensible, par lequel l’oisif dénature en quelque sorte son humanité. Dans cette tradition, le refus du travail, ou la paresse, est interprété comme le refus de répondre aux attentes de Dieu, comme une forme de rupture avec lui.»
Diantre encore une rupture avec le monde de nos réformateurs qu’il va falloir gérer! Car même si les plus optimistes ont raison, et que la robotisation produit davantage d’emploi qu’elle n’en supprime, il n’en demeure pas moins que ce seront des emplois nécessitant de hauts niveaux de compétences, laissant sur le bord du chemin toujours davantage de personnes.
Comme je ne fais pas partie des optimistes et que je crains que l’automatisation à venir représente une révolution inédite de notre société, j’en appelle aux Eglises: il est temps de repenser la dignité de la personne en dehors de son travail rémunéré. Une voie est déjà ouverte puisque de nombreuses paroisses valorisent le bénévolat. Mais d’autres pistes sont à explorer… alors au boulot messieurs-dames les théologiens: la société de demain est à inventer!