Droit des femmes: des progrès grâce au dialogue

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Droit des femmes: des progrès grâce au dialogue

Esther R. Suter
9 juin 2017
Comment concilier droit coutumier ou convictions religieuses avec des engagements en faveur des l’égalité des sexes et droits de l’homme? Les discussions menées aux Nations unies permettent de trouver peu à peu des terrains d’entente, même sur les sujets les plus polarisants.

Photo: Lancement de la plateforme «International Gender Champions». la directrice d’ONU-Femmes Phumzile Mlambo-Ngzuka s’exprime devant le secrétaire général de l’ONU António Guterres ©Esther R. Suter

«L’autonomisation économique des femmes dans un monde du travail en pleine évolution» était le thème de la 61e session de la Commission de la condition de la femme aux Nations Unies à New York. Depuis l’introduction des «objectifs de développement durable» (ODD) 2015-2030, on constate que davantage d’objectifs communs émergent, car désormais tous les pays membres sont responsables d’atteindre les 17 objectifs et leurs 169 sous-objectifs. L’égalité du genre est à la fois un objectif en soi, et le critère prédominant de tous les objectifs. Elle doit être réfléchie dans chacun des objectifs.

Le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes (BFEG) et le Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) avaient organisé une rencontre d’échange avant et après la session à New York avec la délégation officielle et invité les présidentes d’organisations suisses de femmes à Berne. Sylvie Durrer, cheffe du BFEG se dit contente du document final de la session. Les suggestions qui en découlent suscitent une large adhésion, par exemple la proposition d’équilibrer la vie professionnelle et familiale des femmes, et que le rôle de la femme dans la famille ne vaut pas davantage pour une femme que sa vie professionnelle.

Débat autour des réalités nationales

Pourtant les négociations ne se sont pas passées sans frictions. Pour pouvoir surmonter les sujets polarisants, les Suisses étaient favorables au travail en «cluster» (grappes) afin d’améliorer la compréhension mutuelle. Par exemple, la question des «réalités nationales» a fait l’objet d’intenses débats. Dans le document final, l’expression n’apparaît qu’une seule fois au lieu de trois fois. Une mention supplémentaire de «réalités nationales» aurait été contraire au principe du message commun agréé par tous et surtout au principe de cohésion internationale. Les délégations qui tenaient é l’affirmation des «réalités nationales» craignaient que leur souveraineté soit entamée en l’absence de cette mention, raison pour laquelle ils auraient refusé le document final. Depuis plusieurs années, cette méthode de dialogue porte ses fruits en ce qui concerne les droits de la femme et les droits humains.

Depuis 2014, l’influence positive des acteurs religieux sur le dialogue entre des partenaires religieux et non religieux est reconnue, également par des ONG. Au niveau international les organisations œcuméniques et religieuses gagnent en influence. Par exemple, le lancement d’une plateforme consacrée aux liens entre genre, égalité et religion et pour une mise en œuvre de l’agenda ODD 2030 faisant appel à des instruments analytiques liés au genre, s’est fait en intégrant des partenaires religieux tels que le PaRD – partenariat international pour un développement religieux et durable (qui rassemble des représentants gouvernementaux et des missions à l’ONU ainsi que des principaux dirigeants religieux de l’hindouisme, du judaïsme, bouddhisme, christianisme et des baha’i, aux côtés de partenaires tels que la mission du Canada à l’ONU, UK-Aid, le Fonds des Nations unies pour la Population [UNFPA], ou ONU-Femmes.

L’égalité mise à mal par le droit coutumier

L’organisation œcuménique, ACT alliance [Action by Churches Together] dont fait partie Pain pour le prochain, comme 144 Eglises et communautés religieuses dans 140 pays, travaille pour des actions humanitaires et de développement. Elle s’engage pour les droits de l’homme et pour la dignité comme valeur intérieure de toutes les femmes, tous les hommes, filles et garçons. A la session de la commission, elle a proclamé dans une déclaration que l’égalité du genre et la justice sont pour elle un droit fondamental et essentiel pour atteindre une croissance socio-économique et durable. Mais des systèmes de lois parallèles à la base de coutume ou religion ont une influence dans beaucoup de pays. Le mariage [forcé] d’enfants, des pratiques dangereuses à la base de droit de coutumes empêchent l’éducation et les droits sexuels et reproductifs et de santé des femmes et filles. ACT Alliance se voit comme une voix progressive de foi et d’engagement global pour une justice du genre, pour s’opposer à l’abus de la religion par certains groupements qui contournent les droits de femmes et filles.

Le droit à la santé est un point de discussion ou plutôt de polarisation continuel dans les négociations. Pourtant même dans ce domaine des progrès sont constatés les diverses interprétations semblent se rapprocher pour parvenir à un consensus. Même des chrétiens appartenant à des mouvements considérés comme conservateurs consentent à des engagements progressifs. Ceci est remarquable, mais dans un autre sens certains milieux conservateurs chrétiens et religieux fondamentalistes ne font pas partie de ces partenariats et risquent de provoquer d’autres polarisations.

Une théologie qui favorise la domination de l’homme sur la femme

Durant la session, un évènement parallèle a été mis sur pied par des ONG chrétiennes au Church Center. Il évoquait la question de la position de la femme dans l’Eglise catholique, et en particulier de sa consécration. Des théologiennes catholiques, issues du Wijngaards Institute, campagne internationale pour l’ordination des femmes et la prêtresse Gabriella Velardi Ward qui officie à New York et dit avoir été consacrée par un évêque progressiste en 2008 ont participé à cette table ronde. Selon leur analyse, le refus de la consécration de femmes dans l’Eglise catholique trouve ses racines dans une interprétation spécifique des textes bibliques de la création entendue comme un ordre complémentaire entre femme et homme et en particulier sa fixation à des rôles spécifiques du genre.

Cette interprétation favorise la domination de l’homme sur la femme et donc n’admet pas que la femme ait un droit à l’autonomie. Les théologiennes responsables de cet évènement parallèle ont fait le constat que de même le refus des droits de santé et reproductifs des femmes et filles par certains gouvernements et communautés religieuses s’expliquent directement par un refus d’autonomie. Pourtant, d’autres communautés religieuses se montrent moins hésitantes pour accorder ou même soutenir ces droits pour les femmes.

Une telle compréhension de la dignité humaine comme impliquant la complémentarité des genres ou plutôt est comprise comme une opposition aux droits humains. Il en résulte la tension non résolue jusqu’à ce jour entre «dignité de l’homme» et «droit de l’homme».