La «jolie» loi neuchâteloise sur la reconnaissance des communautés religieuses
Par Joël Burri
«C’est un joli projet de loi», déclare Stefanie Kurt, post-doctorante en droit à l’Université de Neuchâtel, à propos de la proposition de Loi sur la reconnaissance des communautés religieuses qui devrait être débattue au grand conseil cet automne. La juriste qui participait mercredi à une table ronde consacrée à ce projet, travaille pour le Pôle de recherche national «On the move», qui regroupe plusieurs recherches sur des thèmes liés à la migration. Et si la juriste se dit satisfaite par ce texte, c’est parce qu’une seule loi règle à la fois les conditions de reconnaissance et leurs avantages. Une clarté absente des équivalents dans d’autres cantons, où la Loi sur la reconnaissance traite généralement des conditions, mais où les avantages sont à chercher dans d’autres textes légaux.
En simplifiant, les associations ayant une activité cultuelle ainsi que leur siège sur le canton de Neuchâtel pourront demander la reconnaissance. Reconnaissance de la suprématie du droit et transparence financière seront alors exigées. Après son dépôt, la demande fait l’objet d’un examen formel par une autorité compétente avant d’être renvoyée devant le Grand conseil. Celui-ci votera un décret, qui pourra être assorti d’un référendum. La procédure ne devra pas prendre plus de 5 ans. Les Eglises reconnues seront consultées prioritairement sur les sujets religieux, pourront obtenir de l’Etat la levée d’une contribution volontaire (impôt ecclésiastique facultatif), elles pourront proposer des aumônerie dans les prisons et hôpital du canton et bénéficieront d’exonérations fiscales et de possibilité d’utiliser des locaux scolaires pour l’enseignement religieux.
Ce projet de loi est soutenu par les trois Eglises reconnues: réformée, catholique romaine et catholique chrétienne. Il reçoit aussi un accueil positif des différentes communautés concernées et représentées à la table ronde. «Les jeunes de nos communautés ont un sentiment d’injustice», regrette Jamel Cherif. «Si l’on reconnaît les associations musulmanes, on règle le problème de la reconnaissance», ajoute le porte-parole de l’Union neuchâteloise des associations musulmanes. A ses côtés, Olivier Favre de la Fédération évangélique neuchâteloise se réjouit «d’être partenaire pleinement de la société. De pouvoir agir en tant que chrétien sur le bienêtre de la société.»
Un partenariat déjà possibleSi l’importance symbolique de cette reconnaissance fait l’unanimité, ses avantages restent modestes pour les communautés. «Cela nous changerait peu de choses, mais c’est important d’être reconnu», souligne Bertrand Leitenberg président de la Communauté israélite de La Chaux-de-Fonds. Alors que Jamel Chérif reconnaît que l’Etat entretient déjà des relations avec les minorités religieuses et qu’ils peuvent déjà assurer des services d’aumônerie. «Pour nous, vu notre taille, la forme associative est déjà largement suffisante», a noté Judith Taïku Morales, moine bouddhiste. Avant de reconnaître: «le bouddhisme est à la mode, comme activité bien être. Etre reconnu permettrait de valoriser notre caractère religieux.»
«Avec l’expérience que l’on a dans le domaine de la naturalisation, on s’aperçoit que les décisions politiques peuvent être discriminatoires», regrette toutefois Stefanie Kurt. «Je préférais une décision administrative», continue la chercheuse. Une application mécanique de loi éviterait, en effet, le risque de refus d’une communauté ou de référendum pour des raisons symboliques ou de stratégie politique.