Laurence Bohnenblust-Pidoux est la première réformée romande
Fraîchement élue à la tête des Eglises réformées romandes, la pasteure Laurence Bohnenblust-Pidoux se décrit comme une «optimiste réaliste». «Je n’ai jamais eu spécialement peur des défis», relève-t-elle. Et pour cause: à l’âge de 3 ans, une grave méningite «attaque» son cerveau et la laisse durablement «aphone, puis bègue». «Cette maladie a marqué mon enfance et une partie de mon adolescence, car il a fallu que je réapprenne tout ce qui a trait au langage», raconte-t-elle. Durant toute sa scolarité, elle travaillera avec acharnement à sa récupération, entre classes spéciales et séances de logopédie. «C’est assurément ce qui a forgé mon caractère», signifie-t-elle avec le recul. «A l’époque, on avait peu soutien. On m’a vite responsabilisée.»
S’il ne lui reste de séquelles qu’un léger zézaiement, Laurence Bohnenblust-Pidoux estime qu’elle a également retiré de cette expérience «une sensibilité particulière, un attention à ceux qu’on ne voit pas ». C’est précisément dans l’optique «d’être à l’écoute des autres et de leur donner parole» qu’elle s’envisagera pasteure, au sortir du gymnase, et entamera des études de théologie malgré «un profil plus scientifique».
Force de vie
Laurence Bohnenblust-Pidoux n’est cependant pas née dans un milieu très pratiquant. «Je viens d’une famille vaudoise classique, où il est juste habituel d’envoyer ses enfants au catéchisme», évoque-t-elle. Si elle grandit à Lausanne, cette benjamine qui a deux sœurs aînées passe tous ses week-ends et vacances chez ses grands-parents dans la campagne broyarde. Très tôt, elle met la main à la pâte pour aider sa grand-mère ou travailler chez des paysans du coin, «mettre des fruits en bocaux ou préparer des marchés».
Son adolescence? «Plutôt mitigée, comme beaucoup d’adolescents», exprime-t-elle. Jusqu’à la découverte du groupe de JP (jeunes paroissaux) de la région, qu’elle assimile à un véritable «lieu ressource»: «J’y ai trouvé de véritables amis et amies, qui ne me jugeaient pas, et des temps de méditations soutenantes.» Celle qui dit «n’avoir jamais aimé les réponses faciles» apprécie tout particulièrement les réflexions partagées autour des questions existentielles qui l’habitent depuis l’enfance. «J’ai été touchée par ce Dieu qui se présente en la personne de Jésus-Christ, et qui est force de vie et de résilience», énonce-t-elle, citant ce verset qui lui a toujours intimement parlé: «Va avec la force que tu as.» Elle explique: «Le christianisme ne s’offre pas comme une baguette magique. Cette force n’agit pas à notre place, mais elle nous accompagne.»
Du lien et de la confiance
A la fin de ses études de théologie, Laurence Bohnenblust-Pidoux est engagée pour un stage préprofessionnel de quelques mois comme éducatrice dans un foyer pour adolescents. «Des jeunes en rupture familial et social, avec des problématiques relationnelles et de violence», précise-t-elle. Elle y restera plusieurs années, et s’y formera en emploi en tant qu’éducatrice spécialisée. «J’ai beaucoup aimé faire ce métier. Ces jeunes avaient vécu des vies qu’on ne souhaite à personne, mais j’ai toujours pensé que ce n’est pas parce qu’on a vécu quelque chose de difficile qu’on ne peut rien faire de sa vie.»
Elle se donne alors pour mission de les revaloriser: « Je ne peux pas leur donner mes forces, mais je peux leur montrer que, de mon côté, je crois en eux et en leurs ressources», formule-t-elle. Quand elle devient mère à son tour, elle marque une pause dans sa carrière professionnelle pour s’occuper de ses trois filles. Quelques années à peine passent et un ami pasteur lui propose de venir l’aider dans sa paroisse de Pâquier-Donneloye dans le Nord vaudois. Elle rejoint le ministère qu’elle exerce, depuis lors, dans différentes paroisses.
«Etre pasteur est un très beau métier de relation», expose-t-elle. «Entre les cultes, les baptêmes et les services funèbres, on acccompagne vraiment la vie des gens.» Le monde de la catéchèse et de l’éveil à la foi occupe la plus claire partie de son travail. Son ouverture, sa créativité et son goût pour l’interaction font alors mouche: «Les enfants ne sont pas des vases vides qu’il convient de remplir, ou des vases déformés à redresser», souligne-t-elle. «Ils ont leur propre spiritualité et elle mérite qu’on y prête attention.»
Terrains institutionnels
«Convaincue qu’on n’a pas un chemin tout tracé», la ministre se rend disponible pour toute occasion «de servir» qui se présente à elle: d’abord en tant que coordinatrice cantonale «Enfance et Familles» pour l’Eglise évangélique réformée vaudoise en 2014, puis en rejoignant son Exécutif, le Conseil synodal, en 2024. «Je n’ai jamais cru qu’on a une seule vocation dans la vie. A mon sens, j’ai surtout la vocation d’être vivante et celle-ci peut s’exprimer de différentes façons», commente-t-elle.
Depuis le 1er janvier, elle endosse également le rôle de présidente de la Conférence des Eglises réformées romandes (CER), en charge des domaines que ces dernières ont souhaité mutualiser comme la formation des professionnels, l’information (RTSreligion, par exemple) ou encore l’édition. Alors que des défis de taille confrontent les Eglises réformées, à l’heure où la pénurie de pasteurs et diacres incite à repenser leur formation et où les coupes budgétaires sévissent, Laurence Bohnenblust-Pidoux affiche sa sérénité. «Il ne fait aucun doute que nous sommes dans un moment de transformation, mais je ne suis pas de celles qui pensent que c’était mieux avant», déclare-t-elle. «Je ne crois pas en une Eglise idéale qui a existé par le passé. Certes, l’Eglise n’est plus au milieu du village, mais ceux qui y viennent ont fait le choix conscient d’y adhérer.»
En tant que porte-voix des Eglises réformées romandes, elle souhaite avant tout faire «rayonner cette espérance vécue au sein des communautés, cette confiance que Dieu nous aime et qu’il y a un autre chemin que le défaitisme ambiant». Fan de science-fiction et d’heroic fantasy à ses heures perdues, Laurence Bohnenblust-Pidoux refuse de s’emmurer dans ce qui est visible et cartésien. «Cette littérature ouvre l’esprit, elle nous rappelle que notre monde ne s’arrête pas à ce qui est rationnel.»
1965 Naissance à Horgen
1991-1994 Travaille comme éducatrice spécialisée, avant de devenir pasteure en 1996.
2014 Devient Coordinatrice cantonal «Enfance et Familles» de l’Eglise évangélique réformée vaudoise (EERV)
2024 Entre au Conseil synodal de l’EERV
2025 Devient présidente du Conseil exécutif de la Conférence des Eglises réformées romandes (CER)