Israël reçoit un soutien sans précédent d’Amérique latine
A l'heure où l'Europe s'élève de plus en plus contre l'ampleur de la riposte menée à Gaza par Israël, les sensibilités en Amérique latine se révèlent toutes différentes. En effet, dans la controverse politique actuelle entre partisans d’Israël et défenseurs des droits des Palestiniens, Tel Aviv peut compter sur un allié fort – et sans précédent –en Amérique latine, à savoir les chrétiens sionistes.
Notoirement fort aux États-Unis, ce mouvement a en effet acquis une énorme influence dans les différentes confessions chrétiennes se déployant au sud du Rio Grande, à commencer par les communautés évangéliques devenues majoritaires dans plusieurs pays de la région. Or, depuis le 7 octobre, ces groupes se sont fortement mobilisés sur les réseaux sociaux, diffusant des contenus pro-israéliens et anti-Hamas et organisant des manifestations de solidarité avec le peuple israélien. Les contenus islamophobes et les fake news participant à leur répertoire.
«Le sionisme chrétien existe au Brésil et dans certains de ses pays voisins depuis les années 1920, mais il a connu une croissance exponentielle et est devenu plus visible à partir de 2010», explique le pasteur Romi Bencke, président du Conseil national des Églises chrétiennes du Brésil (CONIC).
Rêves de Terre sainte
Plusieurs éléments ont contribué à cette croissance. Comme le rappelle Henrique Cairus, professeur de grec classique à l'Université fédérale de Rio de Janeiro, alors que plusieurs Eglises évangéliques connaissaient une expansion rapide dans les années 1990, les cours d'hébreu et de grec à l'université ont commencé à être dominés par les étudiants évangéliques. «Dans les années 1980, il n’y avait presque aucun étudiant évangélique dans ces classes. Aujourd’hui, 100% des étudiants d’hébreu sont évangéliques et sionistes», illustre ce prêtre de l’Église orthodoxe grecque issu d’une famille d’origine libanaise.
Par ailleurs, rapporte-t-il, au cours des dernières décennies, le nombre d’agences de voyages spécialisées dans l’accompagnement des croyants en Terre Sainte a fortement augmenté. De nombreux pasteurs effectuent ainsi de fréquentes excursions dans la région, établissant ainsi des liens économiques et sociaux avec leurs homologues israéliens.
«Tout cela s’est rapidement développé et s’est normalisé sous le gouvernement de l’ancien président du Brésil Jair Bolsonaro. Des années avant la campagne électorale, ce dernier avait d’ailleurs été baptisé par un pasteur évangélique dans la Jourdain», pointe Romi Bencke. L’ex-première dame Michelle Bolsonaro est membre de l'Église baptiste et grande passionnée d'Israël. Elle portait des vêtements bleu et blanc lors des événements officiels. Le jour du scrutin, fin 2022, elle s’est présentée aux urnes avec un t-shirt affichant le drapeau israélien, rappelle-t-il encore.
Symbolisme israélien
«Quand vous voyez une voiture dans la rue avec un autocollant du drapeau israélien, les chances que le conducteur soit juif sont minces. En général, c’est un évangélique sioniste», illustre Henrique Cairus. Dans toute l’Amérique latine, plusieurs de ces Eglises sont devenues tellement attachées à ce que représente Israël qu’elles ont commencé à adopter ses symboles, tels que le drapeau national et la menorah.
«Nous avons commencé à étudier la Torah et à chanter l'hymne israélien. Nous avons une menorah dans l'église et aussi le rouleau de la Torah. Nos jeunes étudient l'hébreu pour pouvoir le lire», explique le pasteur mexicain Israel Carrillo, dont l'Eglise Puerta de la Bendición se trouve dans la ville d'Ecatepec, près de la capitale mexicaine. Les fidèles de son Eglise portent des kippas et autres ornements juifs dans les rues. Lui-même a été attaqué il y a quelques mois par un antisémite. Pourtant, tous ses fidèles ont participé aux marches de soutien à Israël, chaque fois qu'elles ont lieu dans la capitale du pays. «Nous ressentons une grande identification avec les Israéliens. En fait, nous avons le sentiment d’en faire partie», formule Israel Carrillo.
L’ambassade chrétienne internationale de Jérusalem (ICEJ), présente dans près de 90 pays, est l’une des institutions qui a le plus largement œuvré pour le sionisme chrétien. «La partie du monde où nous nous sommes le plus développé est l'Amérique latine», indique Enrique Anaya, sa responsable des relations publiques pour le Mexique. Ce dernier a suivi le travail de l'entité dans toute la région. Il se souvient que la Marche pour Jésus, organisée chaque printemps par les Eglises évangéliques brésiliennes de São Paulo, était remplie de drapeaux israéliens cette année.
Bien que certains courants théologiques aient historiquement favorisé le rapprochement entre le christianisme et le sionisme, comme c’est le cas du dispensationalisme (doctrine mettant l'accent sur l'interprétation littérale des prophéties bibliques tout en établissant une distinction entre Israël et l’Église, ndlr.), le représentant de l’ICEJ ne croit pas que cette combinaison ait des racines théoriques en Amérique latine. «C’est un mouvement éminemment populaire, qui touche les pentecôtistes, les néo-pentecôtistes et plusieurs autres courants», soutient-il. Et d’exprimer qu’à ses yeux, il est naturel pour la plupart des évangéliques latino-américains de développer une profonde identification avec le peuple biblique d’Israël lorsqu’ils lisent les Écritures.
Palestiniens oubliés
«Bien sûr, nous prions pour la paix des Palestiniens. Mais la réalité est simple. Le Hamas a été au pouvoir pendant seize ans et n’a rien offert à son peuple. Seuls leurs dirigeants sont devenus riches. Ce sont des arabes déguisés en Palestiniens pour exprimer leur haine envers Israël», assène-t-il.
Israël accueille non seulement favorablement le soutien des sionistes chrétiens, mais l’encourage également par ses ambassades. Dans les communautés juives d'Amérique latine, le sionisme chrétien est considéré comme un élément de soutien important à une époque où une partie de la société est devenue antisémite.
Le physicien José Luiz Goldfarb, qui dirige la synagogue du club Hebraica à São Paulo, a participé à une manifestation contre le terrorisme du Hamas il y a deux semaines avec des membres de la communauté juive et des pasteurs d'Eglises évangéliques. «Nous pouvons être critiques à l’égard des actions de certaines Eglises, mais ce n’est pas le moment d’abandonner ce soutien. Lors de la manifestation, voir des Brésiliens non-juifs serrer dans leurs bras le drapeau israélien nous a donné le sentiment d’être pleinement accueillis », exprime-t-il.
De son côté, le président du Conseil national des Églises chrétiennes du Brésil relève le sentiment d'abandon ressentis par les dirigeants des églises chrétiennes en Palestine. «Les chrétiens palestiniens se sentent seuls. Aucune Église chrétienne latino-américaine n’a pris position contre le génocide à Gaza», relève-t-il.