«Etre une Eglise minoritaire fait partie de l’avenir»
S’il est le président d’une Eglise minoritaire en terre catholique, le pasteur réformé valaisan Gilles Cavin n’en entend pas moins vouloir représenter les Eglises réformées romandes au sein de leur faîtière nationale, l’Eglise évangélique réformée de Suisse (EERS). Le 7 novembre dernier, il a été élu à la vice-présidence de son organe législatif, le Synode. Interview.
Vous avez été élu, avec votre collègue neuchâtelois Florian Schubert, à la vice-présidence du Synode. Faut-il y voir une volonté romande à s’engager davantage sur le plan national?
Il y a surtout volonté à ce que les Romands participent. Il est important que nous soyons représentés au niveau national. Nous collaborons d’ailleurs parfois, entre les Eglises romandes, pour nous mettre d’accord en amont pour proposer un certain nombre de candidats.
Les Églises romandes disent souvent se sentir peu représentées par leur faîtière nationale. Cela vous semble justifié?
Je comprends ce sentiment. Je crois cependant qu’il y a un double effet. Les Romands sont parfois un peu en retrait en termes d’engagement au niveau suisse. Des fois, ils sont tout contents d’être simplement entre eux, au sein de la Conférence des Eglises réformées romandes. Alors après, il ne faut pas se plaindre. De mon côté, j’ai l’impression que si on y met de l’énergie, on arrive à être suffisamment représentés.
Les Eglises romandes et alémaniques ne partagent pourtant pas les mêmes réalités…
C’est vrai: la réalité des Eglises romandes n'est pas la réalité des Eglises suisses-alémaniques, le terreau social n’est pas le même. Les Eglises romandes ont déjà connu une sacrée décroissance et des difficultés financières que les Eglises germanophones n’ont pas encore rencontrées, ou commencent à peine à connaître. Or c’est une réalité avec laquelle nous vivons depuis de nombreuses années.
Cette différence s’expérimente-t-elle également au sein de votre Église bilingue?
Institutionnellement, l’Eglise réformée évangélique du Valais (EREV) est une seule entité. Mais elle rencontre également des différences – que les Valaisans connaissent bien – entre le Valais germanophone et le Valais francophone. La sensibilité n’y est pas toujours la même, le poids de l’Eglise non plus. Dans le Haut-Valais, la place de l’Eglise est plus importante que dans le Valais central et le Bas-Valais, elle y est moins discutée.
Située en terre catholique, l’EREV vit une réalité bien particulière. Que peut-elle représenter au niveau national?
Je crois au contraire qu'on a un vrai message à apporter au niveau de l'Église suisse. Etre une Eglise plus petite, une Eglise minoritaire, ça fait partie de l’avenir.
Quel est, pour vous, le principal défi sur lequel faire avancer l’EERS?
Avoir une Église suisse qui soit proche des réalités du terrain. Qu’elle ne reste pas dans des hautes sphères, où les paroissiens ne se sentent finalement pas concernés. Si je demande à mes paroissiens, ici à Sierre, ce que représente l’EERS pour eux, je pense qu’ils auraient bien de la peine à dire quelque chose! Dans l’esprit des gens, cela reste des rouages administratifs, jugés même inutiles pour certains.
Et ce n’est pas le cas?
Il faut rendre visible ce que l'Église suisse fait pour les Églises cantonales, mais aussi jusque dans les paroisses. Prenons la question des droits d’auteurs, dont toutes les paroisses bénéficient. Dimanche après dimanche, nos paroisses reprennent et chantent des cantiques. Or cela n’est possible que parce que derrière, il y a une Eglise suisse qui assure le cadre réglementaire pour qu'on puisse le faire dans le plus grand respect droit.
Etre réformé, ça signifie quoi aujourd'hui, et plus particulièrement en Valais?
C'est continuer cette tradition issue de la Réforme qui est de vivre sa foi au quotidien tout en la remettant sans cesse en question, à l'écoute des textes bibliques. Un travail à mener tant sur le plan de la foi individuelle que sur l’agir collectif en Eglise au sein de notre société. A côté de l’Eglise catholique, l’Eglise réformée propose un rapport différent à la tradition. Le positionnement individuel sur les questions éthiques – comme la question du suicide assisté, où l’EREV ne prend pas position officiellement – est largement reconnu et valorisé.