Séverin Bussy, «Je veux ouvrir La Marelle»
Quand on le retrouve, Séverin Bussy, papa de deux fillettes (de 3 ans et 6 mois), s’apprête à profiter d’un congé parental. Une vraie respiration dans la vie surchargée de ce comédien ultra-dynamique, nouveau directeur de La Marelle, qui se prépare à un «automne très sport»: quatrième vague, pass sanitaire, jauges à adapter… Pour sa première vraie saison, il faudra jongler une fois de plus.
Mais chez celui qui se décrit comme un «grand angoissé» affleure aussi une certaine confiance. Après tout, il a pris son poste en janvier 2020, an 0 de l’ère pandémique. «Je me dis toujours que j’ai vécu le plus dur!» Après avoir monté puis annulé une première tournée, il a fallu faire une croix sur la deuxième, «Silence, on frappe!», qui évoque les violences infligées aux femmes. Le spectacle devait souvent être accompagné de conférences et d’échanges, auxquels Séverin Bussy tenait beaucoup. Sa suspension, après trois représentations, a occasionné pour La Marelle des difficultés financières sérieuses. Un vrai baptême du feu. «La compagnie n’avait jamais annulé un seul spectacle en 40 ans d’existence… Mais celui-là, on le reprendra, c’est sûr!»
Les soutiens des paroisses «lui ont fait chaud au cœur», et ni l’avalanche administrative ni les incertitudes permanentes n’ont eu raison de son investissement. Ce qui a en revanche été «compliqué», confesse-t-il, c’est «de chercher de l’argent», et en particulier de perdre le soutien automatique de l’Eglise réformée vaudoise (EERV), qui a décidé fin 2020 de ne plus attribuer de subventions systématiques à la troupe. Elles sont désormais soumises à une liste de critères, comme pour tous les projets soutenus. Un choc pour le jeune directeur – de culture catholique, mais qui s’est rapproché des Eglises réformées lors des tournées de La Marelle auxquelles il a participé comme comédien. Lui qui avait plutôt envie de discuter de nouvelles idées et collaborations s’est trouvé pris de court. Car le nouveau système de subventions de l’EERV «implique de ne plus avoir la certitude d’être soutenu, ce qui rend la planification beaucoup plus compliquée». Une nouvelle procédure pour le jeune directeur que n’a pas connu son prédécesseur Jean Chollet qui était à la fois directeur, auteur et metteur en scène de la troupe. «Jean a fait des choses qui ont plu, d’autres moins: c’est évidemment le propre des projets portés par des personnes ayant plusieurs casquettes… Pour ma part, en tout cas, je n’ai pas du tout cette intention!»
Le jeune homme sait la nécessité de se démarquer de son mentor. Il ne cache pas non plus ce qu’il lui doit: «De mes 12 à mes 19 ans, j’étais abonné au Théâtre du Jorat. J’ai été éduqué dans cet espace où j’ai vu des spectacles que j’ai adorés, accessibles à tous, mais jamais bêtes.» A l’époque, le directeur des lieux n’est autre que… Jean Chollet, avec qui Séverin Bussy collaborera ensuite plusieurs années comme comédien. Assurément, le nouveau patron de La Marelle s’inscrit dans la veine d’un théâtre «pour tous. J’ai beaucoup de peine avec les scènes contemporaines dont je ne connais peut-être pas les codes», reconnaît-il avec humilité.
Mais, assure-t-il aussitôt, «si La Marelle doit rester grand public, ce n’est pas pour faire du stand-up ou du Molière: son rôle est de continuer à proposer des spectacles sur des thèmes brûlants, des sujets de société, et des thématiques bibliques ou historiques». Autre spécificité: «Nous sommes une des rares troupes à se rendre là où sont les spectateurs, à monter et démonter une scène dans des temples ou des salles paroissiales.» Voilà pour la continuité. Et pour la rupture? Formé au théâtre-forum avec la troupe Le Caméléon, friand des échanges en direct avec le public, intervenant dans des écoles avec l’association «1-2-3 Soleil» pour évoquer les maltraitances, Séverin Bussy apprécie le «côté humain, interactif et social du théâtre». Il aimerait proposer davantage de représentations pour les catéchumènes, les écoliers, «avec, pourquoi pas, des ateliers ensuite». Rajeunir le public donc, mais la troupe et ses méthodes aussi: cette année, elle a embauché une technicienne de 22 ans et ouvert une billetterie en ligne. Une réflexion est également lancée sur l’impact écologique de la troupe. Quant au cœur du métier, les pièces, tout est ouvert: Séverin Bussy lance un appel aux jeunes auteurs et autrices: «Que ceux et celles qui sont intéressé·e·s nous envoient leurs textes!»
Bio express
1987 Naissance à Moudon
2009-2012 Ecole de théâtre Les Teintureries (Lausanne), intègre la troupe de théâtre-forum Le Caméléon
2012-2016 Employé de commerce à mi-temps et comédien
2016 Comédien à 100%. Première tournée avec la compagnie de La Marelle, avec Zachée (direction et mise en scène de Jean Chollet)
2016-2019 Interprète de Mozart dans Mozart et Salieri (mise en scène Jean Chollet)
2020 Prend la direction de la compagnie de théâtre La Marelle
L’Evangile selon Pilate
Pilate se retrouve face à une énigme: le corps de Jésus, crucifié, aurait disparu. Son enquête entrouvre en lui des doutes, où se niche un espace pour la foi. Séverin Bussy a choisi ce spectacle «très beau» pour sa petite distribution et son succès. 35 dates sont déjà prévues. L’Evangile selon Pilate, Compagnie de la Marelle, texte d’Eric-Emmanuel Schmitt, avec Edmond Vuilloud et Sarkis Ohanessian (en alternance avec Séverin Bussy), mise en scène Jean Chollet. Dès le 8 octobre : www.compagnielamarelle.ch.