La figure du pasteur en pleine métamorphose:Désormais un homme parmi les autres

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La figure du pasteur en pleine métamorphose:Désormais un homme parmi les autres

19 septembre 2003
La profonde mutation du métier de pasteur a rendu problématique le recrutement pour les Eglises réformées de Suisse romande
A la veille de quitter son poste de responsable de l’accompagnement des ministres de l’Eglise réformée vaudoise, Olivier Favrod analyse comment le pasteur a vu son rôle changer dans une société fortement laïcisée et devenir un homme parmi d’autres. Pour sa part, Nicolas Cochand, responsable des ministères de l’Eglise neuchâteloise, donne quelques pistes pour recruter des candidats au ministère. Une église, un clocher, un pasteur : l’équation n’a plus cours. Avec les restructurations des Eglises réformées entreprises dans les cantons de Neuchâtel, Vaud et Genève, le nombre des paroisses a drastiquement diminué – pour exemple l’Eglise réformée évangélique de Neuchâtel a passé de 52 à 12 paroisses - et les ministres travaillent de plus en plus en équipe sur une région et dans un domaine donnés. Ce qui a mis fin au travail en solo, cher à bien des pasteurs. Ceux qui, par individualisme, veulent continuer à travailler sans rien déléguer comme avant, se retrouvent parfois gravement surmenés et craquent. C’est une minorité, assurent Nicolas Cochand à Neuchâtel et Olivier Favrod à Lausanne.

A ces difficultés, s’ajoutent des problèmes d’identité et de vie personnelle. Touchés comme leurs paroissiens par l’évolution de la société et pas plus à l’abri qu’eux d’un divorce et de crises existentielles, les pasteurs sont devenus des hommes et des femmes comme les autres. Par ailleurs ils ont peu à peu perdu leur identité et la forte reconnaissance de leur statut qui y était liée au sein d’une communauté qui ne le respecte plus forcément comme autrefois et s’enfonce dans souvent dans l’indifférence. De quoi avoir parfois un sérieux coup de blues. Olivier Favrod en sait quelque chose, lui qui, de son poste de responsable de la gestion des ministères, les accompagne depuis 13 ans. A la veille de s’attaquer à un nouveau défi en acceptant le poste de médiateur du nouvel Office Protestant de Formation pour toute la Suisse romande, il analyse avec pondération l’évolution du métier.

§-Les restructurations des Eglises ont-elles beaucoup bouleversé le métier ?-En 30 ans, on a passé d’un profil pastoral local fort, avec une reconnaissance sociale importante, à une figure plus floue, qui a perdu de son charisme et de son autorité, intégrée à un groupe soumis aux décisions des conseils paroissiaux et régionaux. C’est au cours de la première étape de sa restructuration que l’Eglise vaudoise a véritablement commencé à toucher au rôle traditionnel du ministre, en précisant que le rôle des diacres et des pasteurs était désormais d’aider les conseils de paroisse à faire vivre l’Eglise au plan local. La nouvelle dynamique régionale a mis à mal l’identité du ministre et la reconnaissance sociale qui y était liée.

§- Le métier a changé mais les attentes des paroissiens et des conseils de paroisse ne sont-elles pas toujours pareilles ?- C’est vrai. On attend toujours des pasteurs qu’ils soient à la fois des gestionnaires du sacré pour les cultes, les baptêmes, les mariages et les enterrements et qu’ils soient capables d’interpréter sur un plan théologique les événements de la vie des gens et de la collectivité. Mais leurs interlocuteurs se montrent de plus en plus exigeants et de plus en plus à même de discuter grâce à tout l’effort de formation entrepris par les Eglises et les Facultés de théologie. Ces interlocuteurs souhaitent des explications et ne se satisfont pas de réponses plaquées sur le discours de l’Eglise. De donneur de sens, le pasteur a passé à celui de porteur de sens. Cette évolution me réjouit, car elle va dans la droite ligne de la Réforme qui renvoie chacun à la lecture de la Bible, l’encourageant à développer son interprétation de l’Ecriture. Le pasteur n’est plus le seul porteur de connaissance.

§- Les changements de la société ont également eu une sérieuse incidence sur son travail, son rôle et sa propre vie.§

- Dans la société d’aujourd’hui le travail n’est plus la seule valeur et la notion de temps libre et de loisirs est devenue très importante. Les pasteurs ont souvent aussi une famille, qu’ils n’ont pas envie de délaisser. Certains laïcs se plaignent que l’esprit de service disparaît. J’ai de la peine à emboucher les mêmes trompettes. Globalement, on ne peut pas dire que l’engagement des ministres diminue de façon sensible. Par ailleurs, le pasteur est de plus en plus confronté à des personnes qui l’interpellent, l’ignorent ou le chahutent carrément et il se sent parfois incompris des autorités mêmes de son Eglise. Suite aux bouleversements entraînés par les restructurations des Eglises, on assiste à l’effritement de la confiance entre ministres et responsables d’Eglise, ce qui me paraît grave. Il est urgent de restaurer cette confiance mutuelle, d’accompagner et d’appuyer les ministres dans leur travail, de recentrer notre travail sur l’humain si nous voulons mener à bien la mutation de nos Eglises.

§- Cette profonde mutation est-elle responsable de la crise des vocations ?- Il n’y a pas de baisse des vocations au niveau des diacres, qui sont souvent gens de terrain, animateurs et aumôniers. Par contre le fait que la reconnaissance sociale du ministre soit fort entamée a eu un impact sur les vocations de pasteurs.