Les Eglises s’accrochent à leurs paroisses

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Les Eglises s’accrochent à leurs paroisses

14 août 2003
Missions urbaines dans les gares ou les lieux de passage, développement des aumôneries: Malgré diverses tentatives de renouveler leurs lieux de présence, les Eglises demeurent centrées autour de leurs paroisses géographiques
Petit tour d’horizon en Suisse romande, où les communautés réformées ne s’éloignent pas de cette structure traditionnelle. La paroisse géographique demeure l’élément porteur de la vie ecclésiale. En mai dernier, la Conférence suisse des directeurs d’Eglises l’a une nouvelle fois démontrée : Cette structure de base n’est pas près d’être ébranlée.

Depuis de nombreuses années, pourtant, nombreux sont ceux qui réfléchissent à une réorganisation des ressources humaines comme financières. Dans certains cas, comme à Genève, « il s’agit d’un questionnement à long terme autour d’un objectif prioritaire : quelle configuration l’Eglise doit-elle adopter pour rencontrer au mieux la population », explique le président du Conseil Joël Stroudinsky. Ailleurs, par exemple en terre vaudoise, « cette interrogation est ancienne, puisque la refonte de nos structures il y a bientôt deux ans s’appuyait en partie sur l’idée que la paroisse traditionnelle ne se suffisait plus à elle-même », précise à Lausanne Pierre Marguerat, porte-parole de l’Eglise réformée cantonale (EERV).

Bref, un peu partout a été considérée « la possibilité d’ancrer dans le droit ecclésial d’autres formes de communautés que celles des paroisses géographiques traditionnelles », note Markus Sahli, chancelier de la Fédération des Eglises protestantes de Suisse (FEPS). Surtout présentes de l’autre côté de la Sarine, les missions urbaines constituent l’exemple le plus connu de ces nouveaux lieux de présence. Leur but ? Remettre l’Eglise au milieu de la ville en rejoignant les habitants sur leurs lieux de vie, là où ils travaillent, circulent, font leurs achats. L’un des principaux théoriciens de ce mouvement, le pasteur zurichois Hans Strub, nous expliquait en novembre dernier : « nos Eglises fonctionnent selon une structure nocturne. On a d’abord découpé des zones géographiques que l’on a appelées paroisses. Puis on a défini un nombre de postes selon l’importance de la population résidente. Mais les gens n’y sont que durant leur sommeil ! Là où ils vivent vraiment, l’Eglise est absente ». Fort de ce constat, Hans Strub propose par exemple d’élargir le concept d’aumônerie aux banques, aux usines ou aux centres commerciaux.

§Pas de marketing à l’américaine Alors, à quand un ministre dans le nouveau supermarché de la Praille, à Genève ? Convaincu de la nécessité d’une présence multiple dans la Cité, Joël Stroudinsky estime le concept des missions urbaines encore trop peu développé : « Aller dans des magasins ou de gares, pour y faire quoi ? Un marketing à l’américaine avec des rencontres de dix minutes ? N’est-ce pas favoriser le moment, le circonstanciel, au détriment de la communauté ? La paroisse a l’avantage de demeurer une alternative à l’individualisme, à la fugacité, au clientélisme qui caractérisent notre société. Elle s’inscrit dans la durée, avec une volonté d’enracinement même si elle ne joue plus toujours le rôle d’insertion sociale qui était le sien ».

Voilà qui explique en partie qu’aucune Eglise ne se soit pour l’heure résolue à changer drastiquement sa structure. Pierre Marguerat : « Nous avons développé des ministères cantonaux, régionaux et des aumôneries. En ville de Lausanne, il existe aussi un ministère de spiritualité dans la cité, une pastorale de rue, une formation pour adultes. Mais ce sont des services qui ciblent une catégorie de personnes, contrairement aux paroisses qui incarnent un ancrage territorial, un lieu de rassemblement pour tous ».

Démarche inverse à Neuchâtel, puisque l’on y a supprimé l’échelon régional. La nouvelle structure ecclésiale ne s’est pour autant pas davantage éloignée du modèle paroissial : « On peut même dire qu’il y a eu centralisation puisque nous sommes passés de 52 à 12 entités, en favorisant la collaboration au sein de chacune d’entre elles. En tant que communautés de vie ancrées dans un lieu, les paroisses continuent à avoir leur raison d’être, et elles peuvent tout à fait développer des activités moins traditionnelles », estime Isabelle Ott-Baechler, présidente du Conseil synodal de l’EREN. Bref, la révolution structurelle n’est pas pour demain.