Arzier: un camp d'éducation à la paix réunit 19 nationalités différentes

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Arzier: un camp d'éducation à la paix réunit 19 nationalités différentes

18 juillet 2003
Une semaine pour s’initier à la paix : une septantaine d’adultes et d’enfants de 19 nationalités différentes, vivant souvent l’exclusion et la précarité, viennent de terminer un camp de formation à la résolution non-violente des conflits à Arzier (Vaud)
A l’invitation de Gerda Ferrari, diacre de la paroisse de la Servette à Genève et de l’Association Araignées Artisanes de Paix fondée il y a 4 ans pour favoriser l’intégration des étrangers dans notre pays, les participants, toutes origines et religions confondues, ont noué des liens.La paix s’apprend, se construit, s’entretient. Fortes de leurs convictions, trois femmes, Gerda Ferrari, diacre, Ann Avery et Marcienne Mujawaha créent il y a quatre ans à Genève une association baptisée « Araignées Artisanes de Paix » pour promouvoir l’éducation à la résolution non-violente des conflits, favoriser l’intégration des immigrés et stimuler une réelle ouverture des Suisses à leur égard. Touchées par la situation de femmes vivant le déracinement, l’isolement, la peur d’être renvoyées et parfois la violence, elles cherchent à tisser des liens entre immigrés et Suisses, à donner une bouffée d’air à celles qui se sentent prisonnières de leurs problèmes et se terrent parfois dans leur logement. Les trois complices s’inspirent d’un conte, où un lion prédateur est ligoté par une ribambelle d’araignées décidées à s’unir pour empêcher l’animal de nuire. Elles mettent sur pied un premier camp de vacances et de réflexion sur la paix à Arzier. Pour la quatrième édition de ce camp, qui vient de se terminer vendredi passé, elles ont dû refuser du monde.

Devant la maison de vacances, pour la soirée d’adieux, un immense buffet propose des spécialités kurdes, irakiennes, kosovares, afghanes, camerounaises, congolaises, chiliennes. Chacun a mis la main à la pâte, aussi bien les hommes que les femmes, ce qui, dans certaines cultures, ne va pas de soi. On parle, on partage ses problèmes et ses émotions. Minoo, kurde d’Iran, se met à pleurer. La semaine de répit qu’elle vient de partager à Arzier avec sa famille se termine. Il va falloir reprendre un quotidien fait d’incertitude. Son mari s’est vu refuser le permis B, sésame pour pouvoir s’installer véritablement en Suisse. Il est rongé par l’angoisse et les cauchemars. Il a perdu dix kilos en peu de temps et s’est retrouvé à l’hôpital. Il va mieux, mais pour combien de temps ? Minoo (ce qui veut dire paradis en kurde) n’en peut plus.

§8 ans dans un camp de réfugiésPour Adèle, originaire du Burundi, les choses vont enfin mieux. Après 8 ans passés dans un camp de réfugiés en Tanzanie, elle a enfin pu rejoindre son mari avec leurs 4 enfants. Il y a 8 mois exactement qu’elle est arrivée en Suisse. L’apaisement se lit dans ses yeux. Et la joie. Elle raconte avec sobriété ces cinq ans qu’elle a vécus seule avec ses enfants au camp,à attendre de pouvoir rejoindre son mari. Elle ne dit pas son ressentiment, mais le silence en dit long sur ce qu’elle a dû endurer. Désormais elle met toute son énergie à vivre ici et à aider les autres à s’en sortir aussi.

§Hospitalité kurde Un vieil Iranien d’origine kurde a retrouvé les gestes ancestraux de l’hospitalité. Il offre une part de gâteau à ses voisines de table. Ce geste lui rend une part de son identité. Un jeune du Kosovo, qui fanfaronne avec l’accent genevois, goûte avec méfiance au plat aux noix de cajou préparé par le cuisinier sri lankais. Des femmes voilées discutent avec animation avec une Afghane habillée à l’européenne. Gerda Ferrari savoure cette dernière soirée, qui marque aussi la fin de son ministère. Dans un mois, elle prendra sa retraite. Mais continuera à travailler à un monde où chacun reconnaît et respecte l’autre et développe des solidarités plutôt que des ressentiments.