Chrétiens africains de Suisse : des cultes qui déménagent

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Chrétiens africains de Suisse : des cultes qui déménagent

10 juillet 2003
A l’image de la diversité ethnique et culturelle de leur continent, les chrétiens d’Afrique établis en Suisse appartiennent à de nombreuses communautés évangéliques et pentecôtistes
Leurs cultes animés tranchent avec l’austérité réformée. Eclairage sur un christianisme à l’africaine.

Au début des années 80, Joseph Mudimba Kabongo, révérend de l’Eglise chrétienne du Chablais, remarque que les chrétiens africains de Suisse ne se rendent pas dans les Eglises traditionnelles. Selon lui, le manque d’animation musicale lors des cultes ne les encouragent pas à y aller, pas plus que la prédication du pasteur à laquelle ils attachent une grande importance. « Nos paroissiens prennent la Bible davantage au pied de la lettre que les paroissiens réformés », explique Joseph Kabongo et il ajoute : « Si le message du pasteur d’une communauté leur plaît, cela n’est pas contradictoire pour eux de s’engager dans deux Eglises à la fois, même si leurs racines sont différentes d’un point de vue doctrinal ». En outre, constate-il, les requérants d’asile craignent les questions des paroissiens suisses intrigués par ces nouveaux fidèles. Ils se sentent passés au crible et ils préfèrent souvent rester à la maison. Pour combler le manque de structures adaptées aux chrétiens africains, Joseph Kabongo et les pasteurs congolais Nelson Kilola et Mayemba Monsesi fondent, en 1983 à Genève, la première Eglise africaine qui deviendra l’Eglise luthérienne romande. Les paroissiens affluent car ils retrouvent l’ambiance de leurs pays d’origine. Mais les divergences politiques entre les ressortissants d’une même ethnie sapent cette unité et entraînent son morcellement en structures régionales.

§Liberté d’organisationLe nombre des communautés (majoritairement de tendance évangélique et pentecôtiste) augmente rapidement. En Afrique, si deux pasteurs sont en désaccord, il n’est pas rare que l’un des deux claque la porte et crée une nouvelle Eglise ailleurs. Pour éviter que ce mode de fonctionnement se généralise en Suisse, le pasteur Jean Zida du Burkina Faso (voire , crée en 1986 la Conférence des Eglises africaines en Suisse. Cette conférence nationale permet aux responsables des communautés de nouer des liens entre eux, de fonctionner comme organe de contrôle sans remettre en cause l’indépendance des entités régionales. Les sectes et les marabouts n’y ont pas leur place. Au niveau européen, les Eglises africaines disposent d’un Conseil des communautés chrétiennes d’expression caraïbo-africaines. Une première prise de contact a eu lieu à Arzier (Vaud) en 2001. Le révérend Kabongo se félicite de cette rencontre : « Cela permet de faire connaissance, d’articuler des activités en commun et de contrôler le sérieux et la fiabilité des théologiens qui viennent d’Afrique ».

§Un premier pas vers l’intégrationD’un point de vue social, ces communautés facilitent l’intégration des chrétiens africains. Elles participent à des activités réunissant leurs paroissiens et ceux des Eglises réformées. Le révérend Joseph Mudimba Kabongo, de l’Eglise chrétienne du Chablais, organise des groupes de louange qui ont souvent été le point de départ d’une relation amicale entre Africains et Suisses. Située à Aigle, cette congrégation, qui réunit 35 à 40 personnes chaque dimanche, a d’abord été un groupe de prière constitué à l’origine par un pasteur requérant d’asile. En 1992, ce groupe fait appel à Joseph Mudimba Kabongo qui, après avoir effectué une formation en philosophie des religions à l’Institut de théologie de Claiton (Californie), est consacré révérend. Il tente de faciliter la communication entre les Suisses et les requérants du centre de Bex. Leurs relations avec les autres Eglises et les autorités locales ont toujours été bonnes. « Lors des manifestations officielles, les autorités de la Ville nous traitent au même titre que les Eglises traditionnelles ce qui prouve notre bonne intégration».

§Auto-financementComme c’est souvent le cas chez les évangéliques, les dons des paroissiens sont les seules ressources économiques des Eglises africaines. Elles disposent de moyens financiers restreints, car les fidèles sont souvent des demandeurs d’asile. Le plus difficile est de trouver un lieu pour le culte. Dans le canton de Genève, sur 8 ou 9 Eglises, seules 2 ou 3 peuvent s’offrir un local. La plupart demande le soutien des paroisses réformées qui leur louent les temples pour un montant symbolique. Les pasteurs ne peuvent pas compter sur un salaire régulier. Joseph Mudimba Kabongo est aussi ingénieur en informatique. Après sa journée de travail, ses soirées et ses week-end sont consacrés à ses fidèles. « Si un de mes paroissiens est malade, ils peut m’appeler à n’importe quelle heure. Ils ont besoin de savoir que je prie pour eux. De nombreux Africains sont adeptes de la guérison spirituelle ».