Eglise de Saint-Laurent à Lausanne:Distribution de vivres aux "paroissiens de l'escalier"

légende / crédit photo
i
[pas de légende]

Eglise de Saint-Laurent à Lausanne:Distribution de vivres aux "paroissiens de l'escalier"

3 juillet 2003
Le mercredi soir, l’église de Saint-Laurent à Lausanne accueille des paroissiens atypiques, « ceux des escaliers »
Toxicomanes et clochards investissent les lieux pour boire, manger et trouver du réconfort. Les zonards entrent dans l’église pour quelques heures. Les immigrés, les requérants d'asile et les sans-papiers joignent à eux. Notre rédactrice parmi les bénévoles.A l’entrée de l’église, Pilar et Christiane servent du sirop et du thé froid aux premiers venus. De quoi patienter jusqu’à la distribution de nourriture. Au fond de l’église, les bénévoles alignent les victuailles : yaourts, pain, pâtes, chocolats, salades. Une jeune fille mal en point s’approche : « C’est où les tickets ?». En avance sur l’horaire, elle retourne sur les marches du parvis attendre le début de la distribution. Pour éviter les bagarres, les responsables donnent à chacun un ticket numéroté.Les toxicomanes et les sans-abri passent en premier, ce service ayant été créé à l'origine à leur intention.

Importunés par « les gens des escaliers », les commerçants du quartier avaient fait circuler des pétitions pour les en chasser. L'ancienne paroisse de St-Laurent s’est battue pour qu’ils puissent rester. Aujourd’hui les relations entre eux se sont améliorées. Le pasteur Pierre Farron, responsable de la Pastorale de St-Laurent, ministère régional créé il y a 3 ans, accomplit un travail de médiation entre la police, les commerçants et les zonards. Il s'efforce de maintenir le dialogue pour éviter que la situation ne dégénère. Le mercredi soir, les commerçants apportent leurs surplus à la Pastorale de St-Laurent. Les « gens de la rue » passent en premier et mangent sur place.

C’est la présence des toxicomanes qui a poussé l'ancienne paroisse à leur distribuer de la nourriture. Aujourd’hui, les immigrés africains ou de l’Europe de l’Est sont nombreux à les rejoindre. Sans statut légal en Suisse, ils ne peuvent compter que sur des organismes caritatifs privés. Ils ne traînent pas aux abords de Saint-Laurent, mais affluent dans l'église les jours de distribution. Familles, personnes âgées, femmes enceintes, ce sont des gens que rien ne distingue des autres. Les enfants jouent pour passer le temps. Ce qui compte ici, ils l’ont bien compris, c’est de ne pas manquer la distribution des fameux tickets. Les biscuits offerts à l’entrée attisent leur convoitise. Une petite fille se glisse derrière le stand et demande : « S’il vous plaît Madame, je pourrais avoir une boîte entière de biscuits. C’est pour la maison ».

Les immigrés sont toujours plus nombreux à venir le mercredi soir. Pierre Farron s’inquiète des répercussions du prochain arrêté fédéral urgent en matière d’asile. Le nombre de clandestins risque de fortement augmenter. La La Pastorale de Saint-Laurent ne peut pas accueillir plus que la capacité de l’église ne le permet. Au-delà de 150 à 200 personnes, c’est la pagaille. Un espace confiné, l’attente et l’angoisse de ne pas obtenir un sac de provision peut échauffer les esprits. A l’heure actuelle, les bénévoles sont aidés par l’équipe d'Uniset, qui dépend de la Ville de Lausanne, qui veille à ce que la distribution se déroule dans le calme. Ces travailleurs sociaux préviennent tout débordement par le dialogue.

§Le corps et l'esprit La file s’allonge au fond de l’église. Un jeune homme s’arrête au stand d’accueil pour entamer la discussion. L’important pour lui ce soir, c’est d’échanger quelques mots. Sevré depuis peu, il craint une rechute. Ce n’est pas sa première tentative de sortir de la drogue. Conscient de l’engrenage de la « dope », il sait trop bien qu’il suffit d’une seule journée cauchemardesque pour que tout soit remis en cause. Les bénévoles l’écoutent avec attention. La plupart des toxicomanes ont une image très négative d’eux-mêmes. La possibilité de parler, de s'exprimer, d'être reconnu dans sa dignité, est important pour eux. Que l’on soi en pleine rechute, il est important de pouvoir parler d’égal à égal, de tout, de rien, de la dernière canicule ou de ses problèmes personnels.

Sœur Christiane, de l’équipe des bénévoles, connaît bien les sans-abri. Elle vérifie que tous ceux qu'elle a l'habitude de voir, sont bien passés. Un jeune toxicomane se présente à la distribution en retard et passe devant les immigrés. Pour ne pas créer de disputes, Soeur Christiane va lui chercher discrètement un sac de provisions.

§EprouvantLe plus dur est de voir qu'un habitué a replongé dans l’alcool ou la drogue, quand bien même l'équipe sait que la rechute fait partie de la guérison. Marlyse se rappelle d’une jeune chômeuse : « Je l’ai vue réapparaître après quelques temps, rongée par la drogue ». Démoralisant.

La soirée touche à sa fin. Quelques familles remplissent encore leurs sacs et s’en vont. Les derniers occupants remercient les bénévoles. Une femme du Kosovo ne connaît visiblement pas l'un des légumes distribués. Suitune petite explication sur les vertus du céleri. François, le concierge, commence à ranger les cartons vides. La soirée s’est déroulée sans accident ni dispute. Dans une semaine, bénévoles, « paroissiens des escaliers » et immigrés se retrouveront à nouveau pour partager un peu d’humanité.

§Pastorale de Saint-Laurent, pasteur Pierre Farron, Bossons 21, tél, 021 647 97 79.