Les pères se mettent en quatre, vraiment ?Une enquête romande fait le point

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Les pères se mettent en quatre, vraiment ?Une enquête romande fait le point

22 mai 2003
Le titre de l’étude que signent les sociologues Marianne Modak et Clotilde Palazzo aux Cahiers de l’Ecole d’études sociales et pédagogiques (EESP), remplit d’espoir
Y aurait-il véritablement quelque chose de changé du côté des pères ? Il faut très rapidement déchanter, les auteures, qui ont interrogé longuement 34 pères de jeunes enfants dans les cantons de Vaud, Fribourg et Valais, le reconnaissent elles-mêmes : la vogue des nouveaux pères masque en réalité le fait que l’identité et le statut du père et de la mère sont une construction sociale qui évolue au gré des transformations de la société. Or dans la société d’aujourd’hui, les hommes et les femmes sont toujours dans un rapport de pouvoir inégal préjudiciable à ces dernières. Les hommes, tout plein de bonne volonté soient-ils, considèrent leur paternité comme conditionnelle et intermittente, au sens où, même chez les plus impliqués subsiste l’idée qu’il y a des tâches, des obligations que les pères n’ont pas à assumer impérativement et qu’ils peuvent décider d’exécuter ou non. Etre père si je le veux, quand je le veux. Aux femmes d’assurer dans la permanence et la quotidienneté. Or c’est dans ce quotidien terre à terre que les pères font défaut.

Devenir parents a une signification et une portée pratique très différentes selon que l’on est père ou mère. L’aspiration à l’égalité formelle et à l’égalité réalisée constitue deux niveaux qui sont bien souvent confondus. En clair, on ne dépasse pas le stade des principes.

La répartition du travail au sein du couple et la définition des rôles professionnel, domestique et parental respectifs sont toujours des sources de tension entre les partenaires qui ne s’y retrouvent pas, d’autant plus s’ils ont le sentiment qu’ils avaient un projet égalitaire au départ. Le monde du travail, peu ouvert aux préoccupations parentales des salariés, rend la situation encore plus problématique et le chemin sera encorelong des paroles aux actes.

§Implication sur le long termeComment, ce constat fait, susciter une implication permanente des hommes, créer non seulement chez eux une adhésion personnelle et morale de principe, mais un souci permanent, une implication sur le long terme dans les tâches quotidiennes et répétitives, pas forcément valorisantes ? PROFA qui a appuyé la recherche des deux sociologues, encourage l’implication des hommes dans le processus de la grossesse, pour garantir un lien durable et profond entre le père et son enfant.

Mais tant que la paternité ne sera pas reconnue et valorisée du point de vue institutionnel, qu’elle ne sera pas appuyée par des mesures concrètes, (travail à temps partiel pour les deux sexes sans pénalisation de la carrière aussi bien pour le père ou la mère, développement de structures d’accueil, de cantines scolaires etc.), tant qu’elle relèvera de la sphère privée, elle restera à la merci de la première difficulté professionnelle. Car il ne faut pas rêver : l'étude rappelle que le travail à temps partiel, essentiellement féminin, ne contribue pas à un meilleur équilibre des responsabilités au sein du couple, mais conduit les femmes à doubler leur journée de travail.

§« Les pères se mettent en quatre ! Responsabilités quotidiennes et modèles de paternité », Marianne Modak et Clotilde Palazzo, Cahiers de l’EESP case postale 70, Lausanne 24, www.eesp.ch