Maternité et carrière:Le blues des femmes universitaires

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Maternité et carrière:Le blues des femmes universitaires

21 mai 2003
Faut-il faire une croix sur son désir d’enfant si l’on veut faire carrière? Au tournant de la trentaine, étudiantes, doctorantes et chercheuses se sentent pressées par le temps et sommées de choisir
Car elles savent que les dés sont pipés : mener de front maternité et ascension professionnelle relève du parcours de la combattante. Certaines ont relevé le défi. On les reconnaît à leurs cernes, un emploi du temps minuté et une certaine solitude. A l’Université de Lausanne, le Bureau de l’Egalité des Chances qui a pour mission d’encourager les carrières universitaires féminines, a permis à des femmes de confronter leurs expériences. Dialogue entre blues et complicité.

§(Voir aussi les 2 jos_content suivants de cette édition: "L'égalité est en panne" au sujet du dernier livre d'Elisabeth Badinter et "Les pères se mettent en quatre, vraiment?")§Il ne suffit pas d’inscrire l’égalité des droits dans la législation pour que tout baigne pour celles qui conjuguent ambition maternelle et professionnelle. Anita, mère d’une fillette, en sait quelque chose. « J’ai craqué, à peine ma thèse en biologie terminée ! », avoue-t-elle. A jongler entre tâches domestiques et maternelles, thèse et enseignement, elle s’est retrouvée sur les genoux. Elle se demande, avec les autres participantes de l’atelier « Maternité et/ou carrière professionnelle » organisé par le Bureau de l’Egalité des Chances de L’Université de Lausanne, s’il est possible d’avoir une vie professionnelle et familiale épanouissante sans s’épuiser.

Autre témoignage, celui de Barbara, 2 enfants de 3 ans et 16 mois qui vient de terminer sa thèse de doctorat en sciences. « Je suis fatiguée ! », dit-elle pudiquement. Son mari travaille à plein temps et ne peut lui être d’un grand secours, malgré sa bonne volonté et son désir de partage. Plus question pour elle d’envisager un emploi à plein temps. Ce qui implique qu’elle renonce en fait à une carrière digne de ce nom, car elle sait trop bien que les postes intéressants à temps partiel qui débouchent sur une promotion, ça n’existe pas. Mais elle se résigne mal à ce non choix. Elle n’a pas envie de perdre toutes ses années d’études, - qui ont coûté cher- pour un job à mi-temps.

§"Quand on n'a pas le choix, on tient le coup!" Françoise, 44 ans, a payé elle-même ses études. Aujourd’hui elle est professeur à HEC et mère d’une fille de 8 ans. « Il n’était pas question que je perde tout l’investissement que j’ai consenti parce que je mourais d’envie d’avoir un enfant. Il était clair que mon choix d’être mère ne devait pas se faire au détriment de ma carrière ». Conclusion: elle travaille la nuit au besoin, ne s’attarde jamais avec les collègues, publie régulièrement des travaux et se montre irréprochable ; elle s’endort les rares fois où elle va au concert et ne voit plus grand monde. « Quand on n’a pas le choix, on tient le coup ! ». Elle reconnaît qu’elle en paie le prix fort.

Pauline vient de se marier et a entamé un doctorat en droit. Elle projette d’avoir un enfant, mais en se posant mille questions. « Au Rwanda où j’ai grandi, c’était facile, quand maman travaillait, nos tantes prenaient le relais. Ici, en Suisse, je ne sais pas à qui je pourrai confier mon enfant».

« Un homme marié sait qu’il a une équipe derrière lui pour assurer à la maison! », constate une autre participante. En clair, une femme est contrainte de bricoler des solutions, se montrer inventive en matière de gestions d’horaires et de gardes d’enfants et doit jongler avec son horaire.

« Dès l’instant où ma fille est entrée à l’école enfantine, il n’y a plus eu aucune structure pour l’accueillir en dehors des heures de classe », note Sylvie, post-doctorante à l’EPFL, mère de deux enfants de 8 et 5 ans. Les cantines scolaires sont encore rares dans ce pays et l’on y ignore l’horaire continu cher aux nordiques. Que faire d’un enfant qui sort de l’école à 3h20 après être rentré à midi?

L’heure n’est pas à l’esbroufe mais au parler vrai auquel tient Guite Theurillat, la déléguée au Bureau de l’Egalité des Chances de l’UNIL. Du concret, il s’en est dit, en veux-tu, en voilà. Car le quotidien d’une mère qui travaille n’a rien d’évanescent ni de théorique. Il est fait de la vie, terre à terre. Et de multiples casse-tête à résoudre ; de places à trouver dans une crèche, d’absences au travail, pour cause de maladie d’enfant, difficilement acceptée par les employeurs ; de patrons qui se méfient d’une candidate qui a des enfants en bas âge, aussi bien que de celle qui a la trentaine et qui est mariée. Elle est suspectée de vouloir un enfant sous peu, donc d’être absente pendant un certain temps. Souvent éliminée d’emblée malgré ses compétences.

§www.unil.ch/egalite§