Cathédrale de Zurich: des réformés demandent pardon aux Amish et aux mennonites

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Cathédrale de Zurich: des réformés demandent pardon aux Amish et aux mennonites

5 mai 2003
Une quarantaine d’Amish et une dizaine de représentants mennonites américains ont vécu un week-end inoubliable à Zurich
Invités à une conférence de réconciliation par des réformés de Winterthour, ils ont pu parcourir les ruelles de la capitale zurichoise et y découvrir quelques lieux chargés de leur histoire religieuse. En final, ils ont été invités à un culte de réconciliation en la cathédrale de Zurich, lieu phare de la réforme de Zwingli, leur bourreau. Mémorable.Samedi 3 mai. 16 heures. Les cloches sonnent à toute volée à la cathédrale de Zurich. Nous sommes à un jet de pierre de la Limmat. Là où, en 1527, Felix Manz a été noyé, alors que cet anabaptiste de la première heure venait d’être condamné à mort par le Conseil de la ville de Zurich et par le réformateur Zwingli pour activités religieuses illégales. Ce qui lui était reproché : avoir rebaptisé des adultes, vouloir séparer l’Eglise de l’Etat et promouvoir un enseignement non violent.

Une cinquantaine d’Amish, ces descendants des premiers anabaptistes, venus tout exprès des Etats-Unis, sont installés aux premiers rangs de la nef. Ils sont vêtus de leur pantalon traditionnel et de leur chemise unie recouverte d’une paire de bretelles ou d’un gilet noir. Les plus âgés portent une longue barbe. Les femmes arborent leur robe traditionnelle d’une seule couleur, la tête recouverte d’une petite coiffe blanche.

Entourés d’une foule de quelque 500 personnes, ces Amish, connus pour leur refus du progrès technique, participent à un service religieux solennel en présence de Ruedi Reich, président du Conseil synodal de l’Eglise réformée zurichoise.

§Un évêque amish octroie son pardonL’évêque Ben Girod prend la parole le premier. Ce responsable d’une communauté amish de Libby dans le Montana est très ému. Il salue d’abord le fait qu’au travers de leurs descendants spirituels « Ulrich Zwingli et Conrad Grebel, l’un des premiers anabaptistes, sont enfin réunis après tant d’années de séparation tumultueuse». Puis, ce représentant de la branche des Amish du vieil ordre proclame des paroles de pardon sur un passé qui a fait plusieurs milliers de victimes pour motifs de conscience. « Au nom de mon peuple, nous vous pardonnons au nom de Jésus. En lui, nous avons la force de vous pardonner, de vous bénir et de vous aimer ! »

Quelques instants plus tard, Ruedi Reich prend la parole. « Les Eglises réformées de Suisse ont persécuté les anabaptistes. L’injustice qui a été causée voilà des siècles, a été une trahison de l’Evangile, ce que nous reconnaissons avec effroi ! » Les propos du président du Conseil synodal de l’Eglise réformée zurichoise sont historiques. C’est en effet la première fois que des réformés reçoivent en grande pompe dans la cathédrale zurichoise des représentants amish et échangent des paroles de réconciliation avec eux.

§Une démarche née d’une initiative personnelleCette cérémonie solennelle est le point culminant d’une démarche initiée par la Fondation Schleife à Winterthour, une œuvre chrétienne en marge de l’Eglise réformée zurichoise. Pasteur à la retraite, Geri Keller en est la figure de proue. A la suite de rencontres avec des Amish et des mennonites aux Etats-Unis l’an dernier, ce pasteur aux longs cheveux blancs décide de mettre en place à Winterthour une conférence de 4 jours du 1er au 4 mai, intitulée « Des pas de réconciliation avec les anabaptistes ». Une quarantaine de pasteurs réformés ont répondu à son appel, ainsi que plusieurs centaines de responsables et de membres de diverses Eglises mennonites, évangéliques et réformées de Suisse. Outre le moment marquant de la célébration solennelle à la cathédrale de Zurich, les participants à cette conférence ont aussi assisté à un « lavement des pieds » mémorable. Selon un rituel cher à la tradition anabaptiste, des pasteurs réformés vêtus de leur robe liturgique noire ou blanche, ont lavé les pieds des Amish et des mennonites américains présents. Ils exprimaient leur repentir devant des actes indignes de l’Evangile.

§Bientôt une déclaration officielle de repentir ?Dans un petit livre intitulé « Réconciliation avec les anabaptistes. Une requête adressée à nos Eglises » et publié à l’occasion de la conférence, Paul Veraguth formule un rêve. Ce pasteur réformé bernois appelle de ses vœux un synode protestant au plan suisse. Il aurait pour mission de rédiger une déclaration officielle sur l’anabaptisme, ainsi qu’une confession des péchés et une demande de pardon pour les torts commis pendant 2 siècles à l’endroit de ces chrétiens. « J’aime comparer l’expérience de rupture avec les anabaptistes et, par conséquent les Amish, à un individu qui s’amputerait d’une main, qui la brûlerait et la noierait, explique le pasteur de Wattenwil (BE). Aujourd’hui, il est temps de réparer cette amputation et de rattacher la main au corps ! » Donc d’encourager les Eglises réformées, mennonites et évangéliques de Suisse à revisiter ce passé à l’origine de nombreuses tensions au sein du protestantisme.