Les protestants en perte de vitesse? "Faux!" affirme Sébastien Fath, spécialiste des mouvements évangéliques

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Les protestants en perte de vitesse? "Faux!" affirme Sébastien Fath, spécialiste des mouvements évangéliques

25 avril 2003
Les protestants ont-ils encore un avenir ? « Oui » répond Sébastien Fath, spécialiste des mouvements évangéliques et du pentecôtisme, qui en rappelle le formidable essor partout dans le monde, notamment en Amérique du Sud
Il ne faut pas non plus ignorer la vitalité de la théologie réformée et le goût des protestants pour la redynamisation spirituelle. Dans un livre qui vient de sortir, le chercheur français pourfend avec un punch jubilatoire les idées reçues et offre un point de vue distancé sur la constellation des Eglises issues de la Réforme. Le protestantisme serait-il une porte de sortie de la religion, comme le prétendait l’écrivain Chateaubriand ? Rebelles à toute autorité qui prétendrait imposer ce qu’il faut penser, partisanes de la séparation du religieux et du politique, et adeptes d’une culture démocratique, les Eglises de la Réforme ont privilégié l’horizontalité, encouragé le sens de la responsabilité, l’autonomie individuelle. En faisant émerger l’individualisme moderne, elles ont largement contribué à la laïcisation de la société. En privilégiant la liberté et en faisant apparaître dans l’histoire du monde occidental un doute fondamental concernant l’origine divine de quelque autorité humaine que ce soit, le protestantisme se serait-il pas engagé sur une pente susceptible de l’entraîner « jusqu’aux gouffres de l’incrédulité », selon les mots mêmes de Chateaubriand ? C’est oublier le goût des protestants pour le changement à travers d’innombrables mouvements de réveil, rappelle avec vigueur Sébastien Fath.

L’essor contemporain de type évangélique et pentecôtiste, ainsi que la vitalité de la théologie protestante aujourd’hui, invitent à ne pas enterrer trop vite l’avenir religieux des Eglises de la Réforme. Un exemple : si en Europe, les assemblées dans les églises sont clairsemées et vieillissantes, les pays d’Amérique latine, eux, ont été marqués par une véritable explosion pentecôtiste, des dizaines de millions d’individus abandonnant la sainte Vierge et le curé pour le message annoncé par les pasteurs pentecôtistes : Jésus sauve, Jésus baptise du Saint Esprit, Jésus guérit, Jésus revient.

Même engouement pour ce message évangélique dans certains pays d’Asie, dont la Chine. Sébastien Fath rappelle aussi que plus de 20 millions de Bibles sont diffusées chaque année par l’Alliance biblique universelle, d’obédience protestante. Il réfute un déterminisme géographique et rappelle que le protestantisme peut s’adapter à tous les climats. Ce que certains évangélistes américains fondamentalistes ont bien compris. Sébastien Fath reconnaît toutefois que le protestantisme souffre d’une absence d’exécutif qui le rend sociologiquement fragile en matière d’intervention sociopolitique ou médiatique».

Dans son petit précis sur le christianisme réformé, il s’attaque posément à une série de clichés sur les protestants, et démonte celui qui stigmatise leur austérité: un jugement surfait, estime-t-il, si l’on connaît l’exubérance des pentecôtistes prompts à une expression corporelle démonstrative lors de leurs cultes, tout à fait impossible à identifier à la rigidité protestante. Avec concision, Sébastien Fath démêle le vrai du faux, et propose un point de vue qui englobe toute la constellation protestante, multiple et dynamique. Si demain les tenants du protestantisme libéral devaient n’être plus qu’une minorité, la relève est assurée par d’autres courants pleins de vigueur, mais quelquefois guettés par la tentation du fondamentalisme.

Nicole Métral

§« Les protestants », Sébastien Fath, 125 pages, Collection idées reçues, éd. Le cavalier bleu, mars 2003.