Guillaume de Saint-Thierry: «Respire le Saint-Esprit»

Vitrail de Guillaume de Saint-Thierry à l'Abbaye de Signy, dans l'Ardenne (F) / © Havang(nl), CC0, Wikimedia Commons
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Vitrail de Guillaume de Saint-Thierry à l'Abbaye de Signy, dans l'Ardenne (F)
© Havang(nl), CC0, Wikimedia Commons

Guillaume de Saint-Thierry: «Respire le Saint-Esprit»

Méditation
La vie spirituelle, c’est apprendre à se connaître et cheminer sous le regard de Dieu. Tel est le credo d’un moine du XIIe siècle.
En Dieu, notre être ne meurt pas,
notre intellect ne s’égare pas,
notre amour ne peut faillir.
Plus on le cherche, plus on éprouve
de douceur à le rencontrer.
Plus sa rencontre est douce au cœur,
plus on s’applique à le chercher.
Guillaume de Saint-Thierry, Lettre d’or (XIIe siècle)

Il est des maîtres spirituels qui marquent leur époque, et de manière forte, mais dont les générations ultérieures perdent parfois la mémoire. Le XIIe siècle en recèle. Pensons à Guillaume de Saint-Thierry. Il y a près de neuf siècles, ce moine cherchait à définir ce qu’est la vie spirituelle. Ses réponses ont illuminé sa génération, même au-delà des monastères. Et elles apparaissent toujours actuelles.

Pour l’ancien abbé de Saint-Thierry, la vie spirituelle promet à qui s’y lance rien de moins que «le goût, l’intelligence, la connaissance, la jouissance»… Dans sa Lettre d’or, il en détaille le contenu pour le commençant, le progressant et le parfait, le but étant de parvenir à «l’union avec Dieu». S’il s’agit d’une «tâche ardue», Dieu lui-même la soutient en accordant «la grâce qui fait vouloir et la force pour réussir».

Recherche de sens

Son cheminement repose avant tout sur la recherche de sens qui nous habite. Voilà pourquoi la vie spirituelle peut aussi être appelée vie intérieure: elle appelle la personne à entrevoir ce qu’il y a de plus profond en elle, ses motivations ultimes, son fondement vital, ses idéaux. Elle a pour devise, sous la plume de Guillaume de Saint-Thierry, l’adage qui était déjà celui de la philosophie ancienne: «Humain, connais-toi toi-même!»

Mais le moine médiéval y reconnaît également une spécificité chrétienne: c’est une réponse à l’appel que Dieu adresse à toute personne. Elle amène à participer à la vie même du Créateur; plus encore, à «respirer le Saint-Esprit», selon la belle expression que Guillaume emprunte aux pères de l’Eglise orientale.

Le corps et l’esprit

La vie spirituelle chrétienne est ainsi une vie intérieure – et extérieure! – animée et modelée par l’Esprit saint. Mais attention à éviter une équivoque: il ne peut s’agir d’une vie qui prétendrait être «spirituelle» uniquement à travers la routine liturgique ou intellectuelle! Au contraire, c’est tout d’abord une expérience pratique. Guillaume de Saint-Thierry le souligne lorsqu’il distingue trois étapes: la première – qui est incontournable – «a pour objet la vie du corps»; ensuite seulement il est possible de s’occuper de l’esprit pour, dans un dernier temps, «trouver son repos en Dieu seul». La vie spirituelle: c’est une connaissance donnée avant tout à travers la conformation de sa propre existence à la vie humaine de Jésus Christ; c’est une pédagogie élémentaire qui affine l’être, l’intelligence pratique et l’amour, en conduisant à cheminer sous la houlette de ce Dieu qui, «de son regard, stimule celui qui le contemple, donne élan et mouvement», et dont «la beauté attire celui qui le désire».

Bénédictin devenu cistercien

Guillaume était abbé du monastère bénédictin de Saint-Thierry (Reims) au début du XIIe siècle. Son amitié avec Bernard de Clairvaux lui fait abandonner sa charge abbatiale et, âgé d’une cinquantaine d’années, prendre l’habit cistercien. Il rejoint, dans les Ardennes, un monastère appartenant à ce nouvel ordre, fondé quelques années plus tôt par son illustre ami. Parmi ses écrits, la Lettre d’or, adressée à d’autres moines encore – ceux de la chartreuse du Mont-Dieu –, connaît une grande fortune.

Elle définit les différentes étapes de la vie spirituelle.