Olivier Parriaux, protestant… pour le Vietcong

Olivier Parriaux / © Jean-Bernard Sieber
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Olivier Parriaux
© Jean-Bernard Sieber

Olivier Parriaux, protestant… pour le Vietcong

MILITANTISME
L’image du drapeau révolutionnaire accroché à la flèche de Notre-Dame fit le tour du monde, en 1969. On n’a jamais su que le cerveau de l’opération était issu des Jeunesses paroissiales.

«Nos trente heures dans leur guerre de trente ans!» Olivier Parriaux, 80 ans ce mois-ci, a un sourire amusé: diable, comment l’étudiant «d’éducation protestante et de bonne famille» en arriva-t-il à risquer sa vie en grimpant de nuit à la flèche de la cathédrale Notre-Dame de Paris pour soutenir le Front national de libération du Sud-Vietnam? Le professeur émérite d’optique, qui supervise encore des thèses de doctorat à l’Université de Saint-Etienne, raconte le coup d’éclat exécuté avec ses amis Noé Graff, étudiant en droit et futur défenseur des travailleurs agricoles en Espagne, et Bernard Bachelard, prof de gym et futur directeur du projet pilote vaudois de soins à domicile. Leur livre, Le Vietcong au sommet de Notre- Dame (Ed. Favre 2023), relate notamment comment Olivier, dit Olaf, prépara l’itinéraire et accompagna Bernard, dit Bacchus, le varappeur improvisé qui se hissa tout en haut d’une flèche ployant dans le vent.

Déposer les despotes et stopper les agents de la sixième extinction de masse

Noé, chauffeur de leur 2CV, faisait le guet. Si tous trois s’inspiraient de la pensée critique de Trotski, Noé venait du Parti ouvrier populaire (communiste), Bacchus des Jeunesses socialistes et Olaf des Jeunesses… paroissiales. Fils d’une institutrice et d’un maître de «prim’ sup’», Olivier Parriaux joue de l’orgue grâce au pasteur Jean Stooss, «musicien surdoué qui choisit de servir Dieu plutôt que Bach.» «Il lui fallait un organiste pour l’instrument qu’il avait fait construire; cela tomba sur moi puisque ma maman s’évertuait à me faire jouer du piano», explique-t-il.

Appel à s'impliquer

Mais en 2014, de retour à Lausanne, le retraité participe à Crêt-Bérard au séminaire guidé par le regretté professeur Pierre-André Stucki, «thèmes philosophiques, théologiques, politiques et sociétaux dans un climat de respect mutuel et d’écoute d’autrui». C’est là qu’il a la révélation du caractère révolutionnaire de l’Évangile. «Sans prétention théologique, ce que nous fîmes dans la nuit du 18 au 19 janvier 1969 n’était donc pas inconvenant. Ces strophes de Luc sont des injonctions à prêter main-forte à l’Ésprit! Comment ai-je pu passer soixante-cinq ans à côté de cela? En termes actuels, il s’agit de déposer les despotes et de stopper les agents de la sixième extinction de masse qui ravagent la planète.»

Toujours dans sa paroisse de Combremont (VD), un autre pasteur, «très progressiste», André Junod, montra à ses catéchumènes que «la foi chrétienne appelle à s’impliquer dans les choses du monde». Les JP furent le lieu de l’éveil – premières amours, conscience politique, engagement. «Lors de nos retraites, nous lisions Ernest Mandel pour comprendre: de Budapest 1956 à Soljenitsyne, de la guerre d’Algérie à Cuba, au Vietnam. Peu de prières, peu de théologie, mais une spiritualité néotestamentaire, de l’amitié et le sentiment qu’il fallait faire quelque chose.»

A l’École normale, le professeur Jean-Daniel Subilia s’indigne un jour de l’inertie de ses élèves: «Vous êtes des veaux!» Piqués au vif, Parriaux, son ami Bacchus et leurs copains s’organisent en groupe de discussion. L’engagement politique suivra, à la Ligue marxiste révolutionnaire. Sans rupture avec le substrat chrétien: aucune contradiction entre le Nouveau Testament et les exigences d’équité, de justice, de solidarité de la pensée trotskiste, ni avec l’esprit tiers-mondiste de l’époque.

Chanteur du chœur des Jeunes, peu lecteur de la Bible, Olivier Parriaux s’étonne soudain: «Je n’ai pris conscience que récemment qu’il y a dans le Magnificat de Bach, si souvent chanté, deux lignes sans équivoque – sur lesquelles je n’ai jamais entendu de prêche! «Le Seigneur renverse les puissants de leur trône et élève les humbles. Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.» Paroles de Marie, humble jeune femme, à sa cousine Elisabeth, dans l’Évangile de Luc.» Il y a un demi-siècle, «l’opération Notre-Dame» s’inscrivait naturellement dans un engagement «où le sens était donné par l’acte lui-même» et dans le vaste mouvement antiguerre international. Ensuite, le physicien s’immergea dans ses recherches à la fine pointe de l’optique: «Il faut beaucoup travailler lorsque le génie manque», lâche-t-il avec ce sourire ironique qui traduit une authentique humilité. Son rapport à l’Église se résuma à son activité d’organiste bénévole.

Révélation tardive

Profession de foi… écologico-politique

Peu soucieux de vie éternelle, Olivier Parriaux garde foi dans la mouvance protestante, fortement concernée par «le respect de la nature, la biodiversité, l’écoagriculture». Admiratif des «jeunes forces qui se mobilisent pour le climat et une société sans discriminations», il relie Luc et Lénine en concluant ainsi le livre: «Si l’impérialisme était selon Lénine le stade suprême du capitalisme, l’écocide actuel en est le stade ultime. […] Il ne s’agit plus d’une confrontation entre deux classes, mais de celle d’une classe contre l’humanité. L’enjeu n’est rien moins que la survie de l’espèce. Cette fois-ci, c’est la lut-te fina-le pour de vrai… »

Bio express

1943 Naissance à Combremont-le-Petit (VD).

1959 Confirmation ; entrée aux JP et à l’Ecole normale.

1963 Instituteur à Bursins puis à Burtigny, 30 élèves de 3 degrés.

1966 Examen d’entrée à l’UNIL après deux ans de préparation personnelle tout en enseignant.

1969 Adhère à la Ligue marxiste révolutionnaire.

1975 Doctorat en physique. Postdoc à Londres, University College.

1979 Stage à l’Institut de physique de Moscou, collaboration jusqu’en 2013.

1980 Centre suisse d’électronique et de microtechnique.

1994 Friedrich-Schiller Universität Jena

1996 Université de Saint-Etienne.

2013 Retraite.