Un autre regard sur les Latinos sans papiers

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Un autre regard sur les Latinos sans papiers

19 avril 2010
Genève - Vaud - Les sans papiers sont une aubaine pour les employeurs qui ont la possibilité d'engager une main-d'œuvre surqualifiée pour des salaires dérisoires. Mais selon le député libéral genevois Pierre Weiss, « il est illusoire de croire que donner des papiers va faire cesser le besoin de main-d’oeuvre pour occuper ces postes dits 'bas de gamme'. La demande sera toujours présente. Si la situation de certains sans papiers est régularisée, d’autres prendront leur place ».

Par Marta Coello

Année après année, un millier de personnes sans papiers travaillent sur la Côte pour un total estimé entre 10 000 et 15 000 dans le canton de Vaud. Elles exécutent des travaux indispensables à la bonne marche de l'économie que personne d’autre n’accepte de faire, a indiqué l'Association de soutien et de défense des sans papiers de la Côte. Les enfants des sans papiers, 800 dans le canton de Vaud selon cette association, vont à l’école et sont ainsi partiellement intégrés.


En janvier 2009, les députés vaudois ont invité le Conseil d’Etat à s’activer pour obtenir la régularisation des « sans papiers », employés depuis 5 ans en Suisse. Mais rien n’a changé depuis, estime l'association.

Le but de ce collectif est la régularisation des sans papiers. Une pétition allant dans ce sens a récolté 710 signatures à Nyon, 570 à Gland et 699 à Morges. Elles ont été remises aux autorités locales. A Nyon, elle a été approuvée par une large majorité du conseil communal, qui l’a transmise à la municipalité. Mais fin 2009, la municipalité n’avait pas encore répondu.

Femmes latinos à Genève

Près de 80% des sans papiers qui bénéficient des prestations de l’EPER à Genève, l'oeuvre d'entraide protestante suisse, sont des femmes. La plupart d'entre elles ont suivi une formation supérieure, mais sans perspectives d'avenir dans leurs pays d'origine.

« Une fois en Europe, ces personnes exercent des professions nécessitant peu de qualifications, elles travaillent comme femmes de ménage, gardes d'enfants, esthéticiennes ou dans l’hôtellerie. La possibilité de recommencer des études ou de faire reconnaître leurs diplômes existe, mais c'est une tâche qui peut prendre des années et ce, à condition d'avoir obtenu des papiers”, explique Chantal Varrin, responsable du Département Projets Suisse de l’EPER.

Estela, par exemple, était cadre dans une entreprise dans son pays. Elle travaille depuis huit ans comme manucure. Elle se sent bien intégrée, mais n'a toujours pas de papiers et souffre d'avoir dû laisser un enfant là-bas. Josefina a aussi laissé ses trois enfants au pays. La plupart des sans papiers sont seules ici et envoient tous les mois une partie de leur salaire à leur famille.

Régulariser les sans papiers, une solution ?

Normaliser la situation des sans papiers leur permettrait de ne plus vivre cachés, de percevoir un salaire décent et surtout, de bénéficier de prestations sociales. Deux députés du Grand Conseil genevois, Eric Stauffer, président du MCG (Mouvement Citoyens Genevois) et Pierre Weiss, responsable politique de l’Union libérale-radicale suisse s’accordent sur le fait que même si tous ne peuvent être régularisés, il faut faire un maximum pour qu’ils ne vivent pas dans des conditions dégradantes.

Année après année, un millier de personnes sans papiers travaillent dans la région de la Côte sur un total estimé entre 10 000 et 15 000 dans le canton de Vaud.

Mais, il est clair que « seules les personnes possédant un permis de séjour en règle peuvent travailler dans notre pays. Pas parce que nous sommes contre les étrangers, mais parce que l’hypocrisie passive permet aux illégaux d’être exploités de manière honteuse », précise M. Stauffer.

Pour M. Weiss « il est illusoire de croire que donner des papiers va faire cesser le besoin de main-d’oeuvre pour occuper ces postes dits 'bas de gamme'. La demande sera toujours présente.  Si la situation de certains sans papiers est régularisée, d’autres prendront leur place. »


« Il faut une politique d’immigration plus ferme à la base, déclare pour sa part le président du MCG et après cela, accorder par année entre 1000 et 2000 permis de séjour pour les gens venant de pays plus défavorisés que le nôtre. Ce système permettrait à des populations de s’établir ici dans la légalité et de bénéficier des aides et des prestations sociales ».

“Les personnes latino-américaines sans autorisation de séjour dans le canton de Genève sont plusieurs milliers à vivre cachées, sans perspective d'avenir et sans connaître leurs droits, explique Chantal Varrin. Le but des Permanences volantes est de leur venir en aide. ”

Les permanences volantes

Les Permanences volantes ont été lancées sous l'égide de l'EPER. Les centres de l'antenne genevoise ont pour but de servir d'organe de médiation, d'écoute et de contact. “On accompagne les sans papiers, on les aiguille, principalement sur des questions de santé, mais aussi vers l'université populaire pour les immigrés qui souhaitent prendre des cours de français. Ou encore vers des centres d’aide dans les cas de violence conjugale ou exercées par le patron, ainsi que vers des syndicats pour lutter contre l'exploitation des sans papiers”,  précise Sofia Guaraguara, psychologue FSP.

“Nous allons directement sur place, vers les intéressés, ceux-ci n'osent pas forcément se rendre dans nos locaux, ils craignent la visibilité qu'entraînerait de faire appel à une association”, précise la responsable du projet, Gaëlle Martinez. MC

 

En bus londonien

Pour faire tomber les préjugés entourant les sans papiers, l'EPER a organisé une balade en bus londonien pour faire découvrir la Genève latino. Cette action a eu lieu au même moment dans six autres villes du pays, telles que Aarau, Bâle, Berne, Saint-Gall et Zurich dans le cadre de la semaine nationale de l’intégration fin mars.

Le tour de ville était animée par un guide argentin, Lucho. Celui-ci était un parfait représentant d’un grand nombre d'immigrés latinos. Il a étudié l'histoire avant d'être d'être guide et plombier. Il a exercé encore d'autres petits métiers, puis est arrivé en Suisse.

Cette promenade teintée d'humour traitait pourtant de sujets sérieux. Lucho a parlé de l’Amérique latine ces 30 dernières années, où « les dictatures néo-libérales » ont laissé des millions de personnes sans travail, dans des pays - comme la Bolivie par exemple -, où l'assurance chômage n'existe pas, sans oublier les exilés politiques et les disparus. 

Pendant ce temps, le bus faisait faire un tour de la ville. Première halte à la Maloca, située sur la Route de Saint-Julien: “il s'agit d'une association où il y a un restaurant. On peut y écouter de la musique et assister à des concerts”, précise Lucho.

Deuxième halte, à l'Eglise du Sacré-Coeur située à Plainpalais: “ici, les gens, appartenant principalement la communauté hispanophone, peuvent bénéficier de cours de français, effectuer des stages et tout simplement, se rencontrer et ainsi rompre l'isolement ».
MC