Un été léger placé sous le signe de la fraternité

A la plage, sans bagage. / © Pexels - Nubia Navarro
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A la plage, sans bagage.
© Pexels - Nubia Navarro

Un été léger placé sous le signe de la fraternité

Geneviève Butticaz
26 juin 2024
Fraternité
«Quand je pars en voyage, je remplis mes bagages avec tout un fatras qui ne servira pas. Quand je pars à Venise, je remplis mes valises avec tout un tintouin qui ne servira point.»

Voilà, comme le chante si bien Henri Dès, le casse-tête des ménages à l’heure des grands départs! Chacun, en effet, y va de son inventaire d’objets indispensables: de la trousse de maquillage aux palmes de plongée, en passant par le gril à merguez: tout doit trouver grâce aux yeux de nos bagages, d’allure parfois obèse à force d’être remplis. Un seul trouble-fête à l’horizon qui est la terreur des indécis: les règlements de vol! A cause de leurs quotas, nous voilà contraints à des choix décisifs: comment trancher entre la robe de sortie et celle réservée au brunch?

Pourtant, Air France ou EasyJet n’ont rien inventé. Car le premier à avoir encouragé au concept du «voyager léger» n’est autre que l’homme de Nazareth. Lisez plutôt ses recommandations: «Ne prenez ni or, ni argent, ni monnaie dans vos ceintures! Ne prenez pas de sac pour la route, ni de chemise de rechange, ni sandales, ni bâton» (Matthieu 10, 9).

Par Hermès et tous les saints du paradis Vuitton, c’est de la folie pure! Qui se risquerait à parcourir terres et mers, sans tout prévoir? Jésus voulait-il initier ses disciples au premier «Koh-Lanta» de l’humanité? A mon avis, l’intention du Nazaréen était légèrement moins recherchée. Pensez plutôt: celui qui se lance sur la route sans autre protection que sa peau sur les os est un formidable témoignage de confiance. Confiance que notre (sur-) vie ne dépend pas simplement des biens matériels et autres sécurités terrestres dont nous saturons nos valises, mais bien de la bienveillance d’un Dieu d’amour et des relais de solidarité qu’il dispose sur nos routes.

Pensons à cette série à succès: «nu et culotté», qui montre si bien que même sans vêtement et sans toit pour s’abriter, nous rencontrons toujours sur nos chemins des personnes au cœur ouvert, prêtes à nous ouvrir leur porte, à nous vêtir, à nous nourrir et à nous loger.

Vivre de peu, s’adonner au voyage simple, c’est non seulement redécouvrir le privilège de ne pas s’encombrer, mais c’est surtout se souvenir que tout n’est pas sous contrôle, sous notre contrôle.

«Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment ni ne moissonnent, et ils n’amassent rien dans des greniers; et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu’eux?» (Matthieu 6, 26). A la place de «porter» notre existence, de tout prévoir afin d’être certain de ne manquer de rien, l’Evangile nous appelle à une attitude intérieure fondamentalement inverse: s’ouvrir à la conscience que le Père sait ce dont nous avons besoin et qu’il a déjà tout préparé pour nous d’avance.

Et puis, voyager de peu, c’est aussi réapprendre à croire que cet autre dont nous nous méfons tellement parfois est en fait une source de bénédiction, lorsque nous décidons de croire qu’il porte en lui une bienveillance dont nous ignorons trop souvent l’envergure. Croire en l’autre, c’est lui permettre d’ouvrir son cœur encore plus grand pour devenir terre d’accueil.