Quand le soutien social passe par de l’argent comptant
En 2022, les épiceries de Caritas Vaud ont encaissé pour 151 490 francs de bons. Ces outils sont utilisés depuis des années dans le cadre d’une aide sociale récurrente. «Valables uniquement dans nos épiceries et magasins, ils permettent de garantir au donateur l’utilisation qui en sera faite. Ils multiplient le pouvoir d’achat, puisque les prix pratiqués dans ces lieux sont plus bas, et ils aident des personnes sans compte en banque…», détaille Mélanie Dieguez, cheffe d’unité chez Caritas Vaud.
Confort
«Au quotidien, pour nos équipes, c’est aussi plus confortable que du cash. Dans une relation à une personne, donner un bon d’achat de 100 francs, c’est différent de lui donner la somme en liquide.» Le risque des espèces? Entrer dans une relation transactionnelle, ce qui a été le cas pendant la pandémie. «On a alors fourni beaucoup d’aides directes. Nos équipes avaient parfois l’impression d’être des ‹distributeurs automatiques› et non d’accompagner des situations individuelles dans leur globalité» déplore la professionnelle.
Mais l’aide en espèces se révèle parfois indispensable, face à un coup dur. «L’aide sociale permet de prendre en charge des factures. Mais pour des personnes qui n’y ont pas droit, nous avons peu de moyens d’intervention», observe Caroline Regamey, responsable politique sociale et recherche au Centre social protestant vaudois (CSP Vaud). «Un coup de pouce pour régler un loyer, une facture médicale ou une paire de lunettes peut éviter la dégringolade.»
Une fois par an
C’est pourquoi Caritas, comme le CSP Vaud, verse une aide en argent liquide «pour des cas très précis, lorsqu’il n’y a pas d’autres solutions», de préférence lorsque la personne est connue des services concernés et suivie. Des interventions toujours très encadrées. «Pas plus d’une fois par an, dans une limite de 1000 francs», selon le règlement du CSP Vaud. L’idée n’est pas d’ancrer ce soutien dans le temps. Pour l’assurer, les services sociaux privés et publics sollicitent d’ailleurs diverses fondations.
Face à un fonctionnement devenu routinier, les donateurs s’adaptent. La Fondation OEuvre Sainte-Hélène, qui cible les femmes en difficulté dans le canton de Vaud, a pris les devants dès 2009. «Nous avons créé un formulaire en ligne pour faciliter les choses, éviter aux demandeurs de longues lettres et explications», détaille Christine Gabella, présidente de la fondation.
Malaise
Reste que le recours structurel à ces soutiens privés pour des motifs récurrents (frais d’assurance maladie, médicaux, dentaires, de lunettes, notamment, ainsi que les loyers) « engendre de fait certains malaises», comme le cite une étude de 2022 de la Haute école de travail social et de la santé. Etude mandatée par Caritas et le CSP, et elle-même financée par une fondation (Sandoz).
Certes, cette aide privée est nécessaire et s’inscrit dans une «tradition suisse de recours aux fondations et acteurs privés pour contribuer à la mission sociale», pointe Christine Gabella. Mais, selon l’étude, ce soutien «colmate les brèches du dispositif public d’aides sociales» et met en lumière les insuffisances de ce dernier. Dans les cas d’urgence, elle représente un travail fastidieux pour les assistant·es social·es: dossiers à compiler, critères à respecter, documents à apporter… Enfin, rien ne garantit que l’aide sera accordée. Hors pandémie, sur l’année 2019 et le premier semestre 2021, Caritas et le CSP ont ainsi obtenu 1 327 472 francs, mais en avaient sollicité 1 640 251.