Le choix d’intervenir

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Le choix d’intervenir
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Le choix d’intervenir

Internet
Face à la haine, le premier réflexe est souvent de se protéger, donc de ne pas prendre position. Pourtant, des études montrent qu’en ligne se positionner avec empathie peut changer la donne.

Des personnes «ghostées» numériquement, voire «défriendées» sur les réseaux sociaux, d’autres qui ont à l’inverse fait le choix de quitter ces espaces: autant de situations que Yannick Cohen, secrétaire général de la Communauté israélite de Lausanne et Vaud, s’est vu rapporter par ses membres. Les massacres du 7 octobre 2023, puis la guerre meurtrière contre les civils menée par Israël dans la bande de Gaza ont engendré, en ligne, des comportements violents, allant du rejet «pour le simple motif d’être juif», comme en témoigne le responsable, à des commentaires de haine dirigés contre des personnes juives, musulmanes – ou que le ou les auteurs de ces propos supposent comme telles. Face à cela, plusieurs attitudes sont possibles. Délaisser les réseaux sociaux, «ce qu’une minorité a choisi de faire», explique Yannick Cohen. «Mais la plupart ont décidé de répondre, d’expliquer, d’aller au dialogue, quand ils le veulent et que cela est souhaité aussi», ajoute-t-il.

Sous-entendus

Engager la conversation en ligne, même si cela peut sembler contre-intuitif, est précisément ce qui est payant face aux discours de haine (voir encadré), pointe Morgane Bonvallat, chargée de projet pour Stop Hate Speech. Depuis 2019, ce projet de l’Université de Zurich vise à comprendre comment faire face à la haine en ligne.

Une première phase de recherche a permis de mettre au point un algorithme capable de reconnaître de manière précise et actuelle tout discours de haine, discrimination ou propos toxiques. La seconde phase a exploré les techniques pour contrer ces propos. Et les résultats sont sans appel: «La stratégie qui modifie vraiment le comportement d’une personne haineuse, c’est l’empathie», assure Morgane Bonvallat. Concrètement, comment faire? «Répondre au commentaire haineux en expliquant que le propos publié est blessant pour la communauté juive ou pour la communauté musulmane, par exemple.»

Participer

Une fois le dialogue engagé de manière empathique avec une personne qui a eu des propos haineux, «on observe statistiquement qu’elle aura moins tendance à interagir de manière haineuse dans les semaines qui suivent». Les chercheurs recommandent donc «de ne pas rester silencieux, de participer au débat public. Le contre-discours ne peut se faire par des algorithmes, il demande une implication humaine», insiste Morgane Bonvallat.

En ligne, l’élaboration de contre-discours face à la haine, la possibilité, depuis 2021, de signaler des discours racistes ou haineux (www.reportonlineracism.ch) font d’ailleurs partie des bonnes pratiques, saluées et encouragées par la Commission européenne contre le racisme et l’intolérance (ECRI).

Un équilibre important pour éliminer les rapports de force, «car la haine est souvent activée par un petit nombre qui prend une grande place», explique Morgane Bonvallat. Reste que s’impliquer dans des discussions demande des compétences en dialogue interreligieux et interculturel… sans garantie de succès. Et constitue, lorsque l’on est soi-même visé en raison de son identité religieuse – réelle ou supposée par l’interlocuteur –, une charge mentale, dont on se passerait bien.

Discours de haine

Un commentaire est considéré comme un discours de haine lorsqu’une personne ou un groupe est insulté, dévalorisé ou discriminé sur la base de certains facteurs identitaires (genre, couleur de peau, appartenance religieuse…). Si le commentaire ne vise pas spécifiquement un facteur identitaire d’une personne ou d’un groupe mais qu’il est tout de même insultant, menaçant ou vulgaire, il est considéré comme toxique.

Source: stophatespeech.

www.stophatespeech.ch