Jongny: La grande tablée prend ses quartiers
On les avait quittés en 2021, alors qu’ils amorçaient une levée de 2 millions de francs (!) pour rénover la ferme du domaine de la Grant Part (voir notre édition vaudoise de décembre 2021 - janvier 2022). Trois ans plus tard, et alors qu’un quart de la somme a été récolté, le projet de la communauté de La grande tablée prend forme, autrement (voir encadré).
A quelques semaines du jour J, lorsqu’on les retrouve lors d’une fraîche soirée de juin, il tarde à Maude, Jean-David, Vanessa, Antoine, Flavie, Clément et Valentine de «mettre en place le type de vie communautaire auquel on aspire». Ces jeunes adultes discutent beaucoup sur «les grands challenges» qu’ils vont devoir relever. Il y a d’abord le fait de déménager. Jean-David et Flavie quittent une colocation qu’ils aiment bien – «il y aura un deuil à faire» – et retrouvent leurs marques dans cet endroit où repas et prières sont vécus en commun.
Productivité et liens humains
C’est aussi, pour beaucoup, un nouveau rythme à prendre après avoir tant imaginé cette vie. Tous se réjouissent de pouvoir ponctuer leur quotidien de prières (deux offices, a priori). Combiner un emploi stable à l’extérieur avec une vie de famille, l’accueil et la vie communautaire n’est pas évident: certain·es aimeraient pouvoir se consacrer uniquement à ce nouveau projet. «Notre consensus actuel, c’est de maintenir au départ un travail à temps partiel», explique Jean-David.
Les membres de La grande tablée souhaitent, quelle que soit leur activité professionnelle, trouver le bon équilibre «sans stress et sans que cela entrave les liens humains».
Inspirés par les clarisses
L’équipe n’a pas de réponse toute faite, mais s’appuie sur cinq ans de construction et d’expérimentation commune et beaucoup d’inspiration. Celle des clarisses, qui ont vécu là depuis 1976 d’abord, et avec qui la communauté se veut «en continuité»: «Nous les avons rencontrées durant un an et demi, tous les mois. Leur vision spirituelle de la pauvreté et de la sobriété nous a fait réfléchir», témoigne Clément Vuillemier. Celle de la communauté anglicane de Pilsdon (Dorset, Grande-Bretagne) aussi, où «les différences entre personnes accueillies et accueillantes sont faibles», explique Flavie, «et où les apports de chacun sont valorisés».
Samedi 7 septembre 2024, grande fête d’installation de La grande tablée à la Grant Part.
La Grant Part
Un domaine naturel de 8 hectares à Jongny, sur les hauts de Vevey, comportant une chapelle, un monastère, une ferme du XVIIe siècle. Quatre hectares de prairies font l’objet de baux agricoles. Cette réserve spirituelle dans une réserve naturelle est fondée en 1940 par Berthe Yvonne Guyot, artiste peintre neuchâteloise (1895-1971), et gérée par une fondation. A partir de 1976, une communauté de sœurs clarisses y habite, dans un esprit œcuménique. En 2024, faute de renouvellement, cette communauté quitte les lieux. Cela met ainsi fin à 600 ans de présence des clarisses en Suisse (une communauté tessinoise subsiste, mais elle dépend de l’Italie).
Le projet de La grande tablée
L’association veut animer le lieu en y partageant une vie «de prière, d’hospitalité et de service». Concrètement, sept adultes et quatre enfants y vivent, tout en exerçant pour certains une activité salariée annexe, et paient à la fondation un loyer sous forme de rénovations. Sur place, ils animent des temps de prière quotidiens, développent différentes activités, notamment agricoles, accompagnent bénévolement des personnes accueillies selon leurs besoins. Quatre chambres permettent de recevoir des personnes souhaitant partager la vie communautaire, moyennant participation pour l’hébergement et la nourriture. La rénovation de la ferme est repoussée jusqu’à ce que la communauté dispose des fonds et des forces nécessaires.