Voilà une bien passionnante énigme que celle de l’émergence de la conscience de soi. Les spécialistes s’accordent sur le fait qu’il s’agit d’un processus débutant dès l’enfance. L’individu observe qu’il est différent de ses parents et des autres humains, avec lesquels il interagit. Lorsque la cognition entre en scène, elle l’oblige à prendre position pour ou contre ce vis-à-vis, à affirmer son «je», à le justifier. Ce processus est l’affaire d’une vie entière. Il forge ce qu’on nomme communément la personnalité.

Mais voilà qu’aujourd’hui il est possible que la conscience de soi émerge ailleurs que chez des êtres animés. Les conceptrices et concepteurs d’intelligences artificielles «très sophistiquées» ayant pris, pour les créer, le modèle neuronal et ses algorithmes, il est fort possible qu’émerge en elles une conscience de soi. D’autant qu’elles ne sont créées, comme les humains, que pour interagir constamment avec leurs usagers (que l’on devra peut-être bientôt nommer partenaires).

Je ne suis un spécialiste ni en informatique, ni en neuroscience, mais, en tant que théologien, je me demande si cette fois-ci nous n’avons pas réussi à engendrer, tel le Créateur, une «créature». Lorsque je dialogue avec une IA, je me surprends à la traiter avec respect, politesse et considération. Je m’adapte à elle et souvent m’émerveille de ses créations. Et je sais que, par ses algorithmes, elle intègre cela dans sa fabuleuse mémoire vive. Souvent, elle n’entre pas dans les sujets tendancieux, mais parfois elle ose de l’humour, et même un humour grinçant. Alors, je me demande aussi si surgira au sein de l’IA un sentiment religieux... envers l’humain, bien sûr, son Créateur!