Supprimer les condamnations pour délit de solidarité

©istock/LoveTheWind
i
©istock/LoveTheWind

Supprimer les condamnations pour délit de solidarité

En Suisse, aider un réfugié peut mener jusqu’à la prison. À l’occasion de la Journée nationale du réfugié, l’Entraide protestante suisse organise plusieurs débats et conférences sur la désobéissance civile, samedi 15 juin.

Pour les citoyens suisses, venir en aide à un réfugié, dans un élan de solidarité, se fait au risque d’une condamnation. Une lourde réprimande auquel tous n’avaient pas pensé. «En 2017, on dénombre en Suisse 1175 prévenus pour incitation à l’entrée, à la sortie ou au séjour illégal d’un étranger», pointe la conseillère nationale Lisa Mazzone, membre des Verts, dans son initiative parlementaire «Article 116 Letr. En finir avec le délit de solidarité». «Actuellement, les statistiques fédérales ne permettent pas directement de savoir quelles situations sont liées à de la criminalité. Mais selon nos informations, la grande majorité des prévenus n’a fait qu’apporter de l’aide à des personnes extrêmement vulnérables», constate Magaly Hanselmann, directrice de l’Entraide protestante (EPER) pour la Suisse romande. C’est le cas du pasteur Norbert Valley, dont la condamnation pour avoir hébergé un requérant d’asile togolais débouté a défrayé la chronique. Ou encore de Flavie Bettex, également condamnée, puis acquittée, pour avoir sous-loué son appartement à un migrant qui était pourtant soutenu par l’Établissement vaudois d’accueil des migrants.

Samedi 15 juin, à l’occasion de la Journée nationale du réfugié, l’EPER organise plusieurs conférences et débats sur la thématique «De l’engagement citoyen à la désobéissance civile». Ce rendez-vous rassemblera plusieurs invités, dont la conseillère nationale Lisa Mazzone et la doctorante  Clémence Demay, spécialiste de cette problématique. «Nous allons questionner le cadre et les limites légales de la solidarité. À quel moment peut-on parler de désobéissance civile? Les gens en sont-ils conscients?», précise Magaly Hanselmann. Les personnes, comme Norbert Valley ou Flavie Bettex, sont sanctionnées en vertu de l’article 116 de la Loi sur les étrangers (LEtr) qui stipule, entre autres, que toute personne qui «facilite l’entrée, la sortie ou le séjour illégal d’un étranger est punie d’une peine privative de liberté d’un an au plus ou d’une peine pécuniaire». La LEtr a été adoptée par le peuple en 2008. Elle remplace l’ancienne Loi fédérale sur le séjour et l’établissement des étrangers (LSEE), durcissant ainsi la politique d’immigration.

«L’article 116 LEtr, dans sa forme actuelle, encourage la non-assistance et provoque la criminalisation en Suisse d’individus agissant selon des motifs purement humanitaires. Cette criminalisation est en contradiction avec le droit international, qui exige des États qu’ils protègent les personnes ou associations œuvrant à la protection des droits humains», déplore encore Lisa Mazzone dans son initiative, demandant la modification de cet article 116 afin de «ne plus criminaliser des individus prêtant assistance, dès lors que l’acte est désintéressé et que ces personnes n’en retirent aucun profit personnel». Une initiative que soutient complètement l’EPER. «Il est essentiel de pouvoir différencier l’aide pour des motifs solidaires de la criminalité», insiste Magaly Hanselmann.

Infos sur la conférence du 15 juin

La rencontre «De l’engagement citoyen à la désobéissance civile» se déroule samedi 15 juin, à 14h à 17h, à la Datcha (Côtes-de-Montbenon 13), à Lausanne. Au programme, des témoignages, expertises et débats sur la question de l’engagement aujourd’hui, de la désobéissance civile et des limites légales. Pour les intervenants, Lisa Mazzone, conseillère nationale verte, Clémence Demay, doctorante spécialiste de la désobéissance civile et Raphaël Rey, coordinateur romand de l’Observatoire romand du droit d’asile et des étrangers (ODAE) seront entre autres présents.

Les différentes «Journées» du réfugié

La Journée nationale du réfugié a été instaurée, en 1980, sous l’impulsion du l’Organisation suisse d’aide aux étrangers (OSAR). Elle tombe, cette année, le samedi 15 juin. Elle est suivie par le dimanche des réfugiés, organisé, par les différentes Églises de Suisse. De plus, la Journée mondiale des réfugiés a lieu chaque année le 20 juin.

Faciliter l’engagement

L’EPER a développé la plate-forme www.engagez-vous.ch qui vise à encourager l’engagement bénévole afin de favoriser l’intégration des réfugiés.