Confession: 40 prêtres français passent aux aveux
Dans le confessionnal, un adolescent demande à se faire pardonner un macabre projet. Celui d’avoir voulu tuer sa mère, avec qui il vit dans une caravane. Cet aveu, il le fait à l’un des 40 prêtres interrogés dans «Je vous pardonne tous vos péchés», le dernier livre du journaliste Vincent Mongaillard. Et le prêtre en question lui accorde le pardon.
Non sans avoir récupéré et livré l’arme à la poice, sans révéler l’identité du propriétaire. Et le secret de la confession est bien gardé.
Cette histoire vraie fait partie des centaines que le journaliste du Parisien, spécialisé dans le fait religieux, compile dans un livre qui montre ce que les catholiques de la France d’aujourd’hui se reprochent et osent avouer dans l’intimité du confessionnal. S’il peut paraître croustillant à certains égards, le livre est toutefois un vrai manuel de la confession. Car l’ouvrage, en plus de ces nombreux témoignages, répond clairement aux interrogations naïves ou plus complexes que ce sacrement suscite encore chez le grand public…
Vincent Mongaillard, la confession est connue pour le secret théoriquement absolu qui doit l’entourer. Pourtant, 40 prêtres ont accepté de vous répondre. Quelles sont les réactions autour de la parution de ce livre?
Dans la presse catholique française, quelques prêtres ont crié à la trahison de leurs confrères. Ils n’ont pas attaqué le livre en lui-même, en revanche ils regrettent que leurs frères aient été bavards, alors que dans un quotidien chrétien, un historien des religions a assuré que le secret de la confession n’était en aucun cas trahi, puisque personne n’est nommé et que ce qui devait être flouté l’a été. Un prêtre m’a même confié que ce livre devrait être distribué dans les séminaires, car on y apprend tout ce qui se passe et peut se dire lors de la confession. Un prêtre tout juste ordonné pourrait ainsi, grâce à cette lecture, ne pas aborder ce sacrement à froid.
Comprenez-vous ces reproches?
Mes prêtres n’avaient pas l’intention de «balancer» quoi que ce soit, ils avaient compris mon projet, qui était de faire une sorte d’état des lieux de la confession en France. Les prêtres qui se plaignent de cet ouvrage, s’ils le lisaient, verraient qu’il est même plutôt bienveillant envers le clergé. Il humanise les prêtres, alors que la confession peut parfois leur donner une image très intrusive et un peu moralisatrice. Je montre aussi à quel point certaines révélations de pénitents peuvent être difficiles à encaisser.
Justement, la notion de péché a-t-elle évolué ces dernières années?
Ce sont surtout les péchés qui ont évolué. Ils sont évidemment le reflet de la société qui change sans cesse. Vous avez donc plein de «péchés 2.0», comme l’addiction à la cyberpornographie. Il y en a aussi qui sont liés à l’écologie. Pour beaucoup de personnes, aujourd’hui, polluer revient à commettre un péché, et certains fidèles demandent qu’on pardonne cette flemme qui les a fait prendre leur voiture, au lieu de se déplacer à pied, pour aller chercher leur pain à la boulangerie. Toutefois, il est clair que la notion de péché a changé ces dernières décennies, le curseur de la gravité s’étant un peu déplacé. Avant, les aînés allaient avouer avoir mangé une pâtisserie au moment du carême. Aujourd’hui, les jeunes, quand ils vont se confesser, lâchent du lourd…
À quoi pensez-vous?
Je pense par exemple à cet homme incarcéré qui avait confié son crime à l’aumônier de prison. Or il a été acquitté au terme de son procès, lors duquel il a continué de nier les faits, faisant sans doute moins confiance à la justice des hommes qu’au pardon divin! C’est une histoire très dure, mais on ne transige pas avec le secret de la confession Et ce secret absolu doit être épuisant pour les prêtres.
On voit que le pardon n’est d’ailleurs désormais plus seulement une affaire de religion…
S’ils sont tenus au secret, les prêtres ne sont pas obligés de donner l’absolution. Certains demandent même parfois aux pénitents de voir des spécialistes avant de la leur accorder. L’acte de contrition demandé au fidèle doit être suffisamment sincère. Cela peut passer par des spécialistes en cas de trouble (alcoolisme, dépendances, etc.), ou par une incitation à se dénoncer à la police en cas de délit ou de crime. C’est d’ailleurs un conseil donné aux prêtres par l’épiscopat français, qui a renouvelé cette consigne il y a quelques années: le secret de la confession est absolu, en revanche, il est impératif d’inciter le pénitent à se faire connaître auprès de la justice.
On apprend, dans votre livre, que les libertins et les banquiers fréquentent assez peu le confessionnal. Y a-t-il un profil social du pénitent?
Le confessionnal est à l’image de la population catholique pratiquante de France. Vous avez donc toutes les classes sociales et les origines. Ce qu’on peut dire toutefois, c’est que les prêtres ont souvent une approche assez genrée, caricaturale, presque sexiste de la confession. Ils vont vous dire que les femmes vont plus tourner autour du pot, tandis que les hommes, eux, ne font pas le déplacement pour rien et iront droit au but en lâchant rapidement le morceau.
Vous évoquez la question de l’homosexualité. Est-elle toujours un sujet de confession?
Oui, elle l’est encore. Aux yeux des catholiques, cela reste un péché, même si effectivement certains homosexuels viennent désormais se confesser sans plus jamais considérer l’homosexualité comme un péché en soi. D’un prêtre à l’autre, on n’a toutefois pas la même approche de la question. Pour certains, cela reste le péché que l’on sait, en revanche d’autres s’en amusent, en rappelant notamment que le plafond de la chapelle Sixtine a été peint par Michel-Ange, qui était lui-même homosexuel.
Et qu’en est-il de l’avortement, un autre péché souvent pointé du doigt?
À l’époque, c’était la chasse gardée de l’évêque. Au moment de l’année de la miséricorde, en 2015, le pape a donné la possibilité à tous les prêtres de pardonner l’avortement. Mais en l’occurrence, en France, les évêques avaient déjà délégué le pardon de ce péché. Ce que j’ai en tout cas découvert au sujet de l’avortement, c’est que c’est sans doute le péché le plus douloureux pour le pénitent. À l’époque, les femmes ne l’avouaient d’ailleurs qu’en étant à l’article de la mort.
Que peut-on dire aujourd’hui, de manière générale, sur le recours au confessionnal?
La confession est en chute libre, tout comme la fréquentation de la messe le dimanche. Forcément, comme il y a moins de monde, on compte moins de confession. Si elle a perdu en quantité, pour certains prêtres, celle-ci aurait toutefois gagné en qualité et en profondeur, grâce au renouveau des jeunes catholiques, que l’on a notamment vu manifester pour le retour de la messe pendant l’épidémie. La confession serait désormais un moment un peu plus intense et spirituel. Plus libérateur que coutumier, en somme, car cela devient une vraie discussion.
«Je vous pardonne tous vos péchés»
Vincent Mongaillard
Éditions de l’Opportun
457 pages