A Fribourg, l’hindouisme décrypté à travers ses contradictions
Plongé·e·s pour leur première heure de cours de la journée dans un article du Temps sur le système indien des castes, les élèves, 17 ans, ont dix minutes pour en retirer les informations essentielles, avant d’être interpellé·e·s par leur prof: peut-on échapper à cette organisation sociale? Quelle est son origine? Entre les réponses qu’il sollicite du tac au tac, Emmanuel Gonzalez reprend des approximations.
Lier le religieux au culturel
Il n’hésite pas à ponctuer son cours d’anecdotes. «J’ai rencontré un étudiant hindou à l’EPFL qui m’a soutenu mordicus que les castes n’avaient pas une origine religieuse. (…) Cela montre bien que ce phénomène n’est pas que religieux, il y a bien un aspect social et politique.»
Pour Emmanuel Gonzalez, qui enseigne par ailleurs l’histoire et les sciences politiques, transmettre la théologie hindoue per se n’a pas d’intérêt. Il choisit – conformément au plan d’études cantonal – de lier le fait religieux à son contexte culturel, socio-économique, juridique actuel.
Les élèves n’ont aucun mal à différencier les castes et le système de l’Ancien Régime, ou à comprendre pourquoi elles paraissent aujourd’hui immuables: «Toute la société et toute l’économie sont basées dessus! S’il faut changer toute la société, ce sera difficile de s’en défaire», résume Ryan, au fond de la salle.
Plus social que religieux?
La religion est tout de même évoquée: «les lois de Manu», un «texte religieux qui mentionne les castes», sera brièvement lu durant un temps de cadrage théorique. Un autre extrait sur le sujet, issu de Baghvad-Gîta – texte sanskrit fondateur de l’hindouisme – est tout simplement zappé. Trop complexe, d’aborder les textes fondateurs?
Rappelons que ce cours hebdomadaire n’est qu’une partie des deux mois d’enseignement sur l’hindouisme. L’histoire et l’apparition de cette religion ont fait l’objet d’un chapitre précédent. «En plus du cours, les élèves choisissent une fête ou un personnage religieux qu’ils présenteront sous la forme d’un exposé oral devant la classe», explique l’enseignant. Les élèves ont donc d’autres occasions de s’y pencher. L’objectif ici est de décrypter un aspect de la religion, et ses implications actuelles. Mission accomplie, selon deux élèves, interrogés à la sortie. «Je pense avoir compris le système des castes, qui n’était pas clair pour moi, je n’avais pas une vision très concrète de ce que c’était», assure Ermir. Une rangée plus loin, Florence approuve: «Je trouve intéressant qu’on parle des phénomènes sociaux et pas juste de la religion.»
Le tout sans que personne ne décroche. Quand l’enseignant évoque les contradictions d’un couple hindou-catholique en Suisse, les sourires fusent même derrière les masques. Au cours des 45 minutes qui filent, Emmanuel Gonzalez tente aussi d’insérer un peu de nuance. Si l’essentiel du cours a permis d’attirer l’attention sur les injustices vécues par les hors-castes, il glisse ainsi que «le quotidien d’un brahmane est tellement rempli d’obligations qu’il peut être très contraignant».
A Fribourg, une large palette d’enseignements
Dans le canton historiquement catholique, l’enseignement de la religion a longtemps été assuré par des prêtres. Aujourd’hui les enseignants de ce cours obligatoire et non confessionnel sont formés à la Haute école pédagogique. A l’heure hebdomadaire, s’ajoute depuis 2004 une heure d’enseignement confessionnel mise à disposition des Églises.