Moins de baptêmes, une chance pour les Églises réformées
Le nombre de Suisses sans appartenance religieuse ne cesse d’augmenter. Il dépasse désormais le nombre de réformés en baisse constante. En 2017, les sans religion représentaient 26% de la population âgée de 15 ans et plus contre 23,8% pour les réformés, révèle l’étude de l’Office fédéral de la statistique (OFS) sur l’appartenance religieuse, parue en janvier dernier. La ville de Zurich n’échappe pas au phénomène et enregistre un nombre sans précédent de sans religion qui culmine à 36% pour l’année 2017. «La "Zurich de Zwingli" est en train de devenir une ville d’impies», lit-on dans le quotidien alémanique Tages-Anzeiger.
L’évolution du paysage religieux n’affecte pas seulement le remplissage des bancs le dimanche matin. Elle a aussi un effet sur des rituels qui ont été tenus pour acquis pendant des siècles et considérés comme de véritables devoirs chrétiens. C’est particulièrement frappant en ce qui concerne les baptêmes, dont le nombre a diminué de 50% en vingt-cinq ans, selon les chiffres de l’Institut suisse de sociologie pastorale (SPI).
Célébrer le miracle de la naissance
Il y a quelques décennies de cela, une personne non baptisée était coupée de la communauté. Aujourd’hui, cet ostracisme social a disparu. Pour autant, la disparition du sens même du baptême engendre-t-elle une perte? Que manque-t-il à la société si les enfants ne sont plus inclus dans la communauté via un tel rituel? «En renonçant au baptême, on peut perdre la chance de célébrer réellement le miracle de la naissance d'un enfant», explique Christoph Müller, professeur émérite de théologie pratique à l’Université de Berne qui a consacré sa carrière de chercheur au rituel du baptême et mené de nombreux entretiens avec des parents et parrains au sujet de leur expérience du baptême, dans le cadre d’un programme de recherche national.
Une naissance est une expérience tellement bouleversante qu'on ne peut pas simplement enchaîner sur le quotidien. Pour le théologien, le baptême est une célébration de la vie, «un soupçon de divin qui donne à la vie dignité, stabilité et espoir». Pour lui, le baptême est porteur d’un message renversant: «chaque enfant a une dignité qui ne doit pas être violée. C'est un message très sociocritique! Parce qu'il contredit ainsi le "mépris de la dignité humaine et des droits de l'homme, comme cela arrive tous les jours"».
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Le baptême n'était donc pas seulement l'affaire de la famille. «Lors du baptême, la petite famille s'ouvre, elle s'ouvre à la communauté. Elle entre ainsi en contact avec la paroisse et ses activités sociales», note le théologien, qui voit dans la baisse du nombre de baptêmes le potentiel d'un développement positif. Pasteur pendant dix ans, Christoph Müller sait que par le passé, il n’était pas rare qu’on baptise «à la va-vite», en quelques minutes avant le culte, sans porter grand soin au rite. «L'Église a certainement manqué quelque chose et en a déçu plus d'un. On ne souhaiterait pas ça non plus lors des mariages ou des services funèbres.»
Aujourd’hui, les Églises peuvent saisir la chance de rendre à nouveau justice à ce rituel. Ils devraient personnaliser de plus en plus les baptêmes et les rendre ainsi plus significatifs, en recourant par exemple à des baptêmes spéciaux regroupant des enfants plus âgés, des adolescents ou des adultes ainsi que des célébrations de renouvellement de l’Alliance (ndlr: qui offre à la communauté l’occasion de renouveler son engagement avec Dieu). La lettre que la paroisse envoie aux parents peu de temps après la naissance d’un enfant pourrait déjà avoir pour effet d'accueillir et permettre de créer de nouveaux contacts. Les enquêtes menées par Christoph Müller ont d’ailleurs démontré que les entretiens préparatoires avec les parents sont essentiels. Le théologien en est convaincu: «Un baptême soigneusement préparé et réalisé peut contribuer à réduire le nombre de personnes quittant l’Église réformée. Il est une possibilité de créer un lien plus étroit entre les gens et la paroisse.»
Un rituel sans intérêt commercial
Si Christoph Müller doute du fait que la société soit dans son ensemble en train de s'émanciper, on voit pourtant émerger des «fêtes d'accueil» pour les enfants, en lieu et place du baptême. «Je ne veux pas dévaloriser cela, c'est beaucoup mieux que rien», dit-il. Néanmoins, des «expériences précieuses» pourraient se perdre à cause de la rupture avec des traditions et rituels chrétiens. Une perte que Christoph Müller observe également lors d'autres cérémonies comme les mariages et les services funèbres. Ce qui inquiète le théologien, c'est le phénomène de commercialisation croissante qui entourent les rituels. En particulier lorsque ces derniers créent un sentiment d’appartenance communautaire tels que les événements sportifs, les spectacles, et autres manifestations. «Les rituels qui créent un sentiment d'appartenance sont de plus en plus utilisés pour faire des affaires», note Christoph Müller. Il est d'autant plus précieux que l'Église offre des rituels libres de tout intérêt commercial. «Lorsque les gens réalisent qu'on s'intéresse véritablement à eux, lors du baptême par exemple, on ressent beaucoup de gratitude.» - Adrian Meyer (Ref.ch/Protestinfo)