Ralentir et préserver la joie
Oser penser différemment le rapport à son activité: témoignages
- Vivre la complémentarité des dons en communauté
- «Utiliser mes compétences, et que cela ait du sens»
- Ralentir et préserver la joie
«Il y a un an et demi, un ami nous a dit, à ma femme et moi: ‹C’est quand même bizarre qu’on coure comme des fous jusqu’à 65 ans pour s’arrêter complètement à 65 ans et un jour. Jusque-là, il faut sprinter puis: plus rien!›», relate Marc Balz, pasteur des pasteurs dans la région Berne-Jura. «Avant cette discussion, jamais je ne m’étais posé la question. Pour moi, c’était évident que j’allais bosser en plein jusqu’à 65 ans pour ensuite diminuer tranquillement, faire de temps à autre un culte, un enterrement, rendre service… Son interrogation a fait du chemin en moi et je me suis dit: ‹Est-ce que ce ne serait pas une option de ralentir avant 65 ans pour continuer de courir, mais moins vite, tant que la santé, la joie et l’élan me sont préservés?›»
Aujourd’hui âgé de 63 ans, le ministre va quitter fin septembre son poste de pasteur régional et ne gardera qu’un 25% consacré à l’accompagnement des stagiaires, qu’il espère compléter par quelques mandats comme pasteur remplaçant ou faisant appel à ses compétences de coach et de formateur d’adultes. «Un tel changement, ça se prépare évidemment. Cela a un impact sérieux sur le budget. Je peux me le permettre aussi parce que les enfants sont sortis de la coquille et que ma femme a une certaine souplesse. Faire face à cette étape de vie demande beaucoup de discussions, et puis ça vient nous interroger sur nos rôles respectifs», explique le ministre.
«Et ce projet s’anticipe aussi au niveau de l’image que j’ai de moi: je me rends compte que c’est un grand chantier et que je n’en suis pas au bout. Je suis pasteur depuis 34 ans: c’est une identité que j’ai faite mienne, mais elle m’est aussi donnée de l’extérieur.» Changer constitue donc un sacré défi: «Un ami en retraite depuis peu m’a fait remarquer que depuis l’âge d’aller à l’école, entre formations et emplois successifs, d’autres ont toujours décidé de ses horaires. Un cadre extérieur structurait sa vie. ‹Maintenant, tout d’un coup, je dois décider de ce que je fais, de ce qui est prioritaire›, me disait-il.»
Marc Balz évoque aussi d’autres raisons qui l’ont poussé à ralentir, malgré l’insécurité que cela représente: «C’est une question de valeurs. Ce que je reçois sur mon compte salaire chaque mois est évidemment une sécurité, mais est-ce que je peux vivre avec moins? Est-ce que ma santé et ma joie à vivre ont de l’importance? Ce que je me suis dit aussi, c’est qu’avant de commencer à faire du mauvais boulot, pour des raisons d’âge, pour des raisons de fatigue, et peut-être de motivation qui diminue, je préfère m’arrêter.» Aurait-il voulu pouvoir prendre cette décision plus tôt? «Il y a cinq ans, la question ne se posait pas et, il y a deux ans, je n’étais pas prêt.»