Alexandre Winter: «Une Eglise capable de dialoguer»

Alexandre Winter / © Alain Grosclaude
i
Alexandre Winter
© Alain Grosclaude

Alexandre Winter: «Une Eglise capable de dialoguer»

Un certain regard
Alexandre Winter est le nouveau modérateur de la Compagnie des pasteurs, des diacres et des chargés de ministère de l’Eglise protestante de Genève (EPG).

Depuis le 1er juillet, Alexandre Winter est le primus inter pares, le premier parmi ses pairs, prenant pour trois ans la présidence du Conseil de cette institution qui trouve son origine dans les ordonnances ecclésiastiques de Jean Calvin, adoptées en 1541.

Ce n’est qu’à 18 ans qu’il rencontre pour la première fois une personne croyante: elle «a eu le désir de me partager sa foi et m’a offert ma première Bible». Ce sera le terreau de son engagement, qui s’épanouira durant un temps sabbatique à Zurich et permettra sa «découverte» de Dieu. «Ce moment très fort, ce chavirement, m’a touché au plus profond de mon être. J’ai ensuite cherché une communauté, sentant très vite qu’on ne croit pas tout seul.» C’est ainsi qu’il se retrouve peu après à animer le catéchisme des adolescents à la paroisse d’Onex… alors qu’il ne l’a lui-même jamais suivi.

«J’ai beaucoup reçu de cette confiance. Ce regard-là, porté sur moi par le pasteur de cette paroisse, m’a véritablement animé. Cela a été une clé. Regarder les gens avec une sorte de confiance fondamentale est l’une des plus belles choses que l’Eglise peut offrir.» Alexandre Winter achève son cursus en lettres. Après une année en tant qu’animateur à l’AJEG (Animation jeunesse de l’Eglise protestante de Genève), il reprend le chemin des études, en théologie cette fois. Sa voie vers le pastorat est tracée.

On ne croit pas tout seul

Construire des passerelles

Sa modérature, le quadragénaire la voit ponctuée de rencontres, notamment avec les différents lieux de l’EPG et les autres Eglises. Il prône une inclusivité large, espère contribuer à développer toujours plus un «esprit de corps»: «Le fait d’avoir dans notre Eglise des lieux particuliers, peut-être un peu en marge, peut signifier que leurs membres ne trouvent pas suffisamment leur place dans les cadres traditionnels. Cela peut être vu comme un constat d’échec. Mais il ne doit y avoir qu’une seule Eglise. Nous sommes beaucoup à chercher des points de contact, à souhaiter construire des passerelles.»

Alexandre Winter croit fermement en l’avenir de son Eglise. Une Eglise qui devrait être à la fois un lieu qui accueille, qui offre quelque chose de singulier et qui n’hésite pas à prendre place dans la société. «C’est important de ne pas vivre dans un monde isolé. Nous devons notamment porter un regard critique sur les situations d’injustice, vis-à-vis des minorités, des étrangers, des femmes ou des sans-droits. Même si nous le faisons déjà par notre présence dans les marges de la société, il y a encore beaucoup à réaliser!» Ces questions de justice, il les a faites siennes en travaillant ces dernières années à l’Agora, l’Aumônerie genevoise œcuménique auprès des requérants d’asile et des réfugiés.

La sauvegarde de la Création et l’attention au monde vivant est un autre des thèmes qu’il porte et qui le porte. Sur ce sujet aussi, il estime que l’Eglise peut participer à la recherche de réponses: «Nous avons une responsabilité écologique à assumer. L’Eglise devrait proposer des arguments théologiques et des fondements spirituels, pour contribuer à la réflexion sur différents objets soumis à votation. Par exemple lorsqu’ils concernent certains choix économiques, les questions de la non-violence ou de l’asile. L’Eglise a un héritage, riche et vaste, qu’elle devrait faire valoir sur ces sujets. Il y a une parole à faire entendre et à essayer d’incarner: la parole qui descend, dans le sens généalogique, d’un Dieu pauvre et humble, lequel ne s’est pas prévalu de lui-même pour s’offrir entier en Jésus-Christ.»

Une coopérative d’habitation

Cette participation aux défis de la société humaine, vécue à l’Agora, Alexandre Winter l’expérimente également au quotidien dans sa vie personnelle puisqu’il a fondé avec d’autres une coopérative d’habitat communautaire. Tant la construction que les espaces extérieurs y sont pensés à l’aune du respect des ressources: une évidence pour lui. Les murs sont fabriqués à base de paille, des panneaux solaires occupent toits et balcons, les bâtiments sont chauffés avec une pompe à chaleur, aucun engrais industriel n’est utilisé dans le potager…

La coopérative abrite notamment une chapelle où des offices, des lectures et des temps spirituels sont organisés régulièrement. Plusieurs coopérateurs souhaitant que l’un des appartements ait «une vocation particulière», un six-pièces héberge quatre jeunes migrants en colocation, qui prennent régulièrement part aux temps communautaires. Afin d’ouvrir la coopérative sur l’extérieur, des marchés de Noël et des invitations au voisinage y sont aussi organisés.

Bio express

1977 Naissance aux Etats-Unis puis emménagement à Sézenove, dans la campagne genevoise.

2006 Mariage avec Aurélie, suivi de la naissance de Joanna, Thomas et Alban.

2011-2021 Pasteur dans la paroisse de Bernex-Confignon.

2019 Construction d’une coopérative d’habitat communautaire composée de neuf appartements et d’une chambre d’amis indépendante, sur le terrain de la maison familiale.

2023 Alexandre Winter est élu par ses pairs modérateur de la Compagnie des pasteurs, des diacres et des chargés de ministère après trois années à la vice-présidence.

2024 Quitte son poste à l’Agora, mais reste enseignant à l’Atelier œcuménique de théologie (AOT) à 20%.

Le christianisme dans le monde

«Il me semble que l’Eglise ne peut pas cesser de se poser la question de sa place dans ce monde. Qu’elle doit la garder toujours ouverte. Et, en même temps, qu’elle peut paradoxalement se passer de cette question. Qu’elle est d’une certaine façon déjà résolue, ou qu’elle ne peut y répondre réellement. L’Eglise est toujours déjà là. Et pouvoir croire aussi que, mystérieusement, elle sait aussi bien où elle va.»

Pour faire plus ample connaissance, son blog www.lesensdelamarche.net.